Par Kevin Morin

Le défi des plastiques : nos entreprises au cœur du changement

Depuis des années, les plastiques occupent de plus en plus de place dans nos vies, dans les procédés industriels de nos entreprises et, inévitablement, dans les matières qu’il faut gérer. Malgré leurs avantages pratiques et leur utilité, les plastiques amènent leur lot de défis et de risques environnementaux. Leur mauvaise gestion par les consommateurs à l’échelle planétaire explique notamment la formation de continents de plastique, l’ubiquité des microplastiques dans notre environnement et leurs répercussions sur les écosystèmes terrestres et marins.

Quelques chiffres sautent aussi aux yeux. RECYC-QUÉBEC estimait en 2021 que dans la province, 471 000 tonnes de plastiques ont été envoyées à l’élimination en une seule année. En raison d’un mauvais tri à la source et de l’absence de débouchés viables, c’est l’équivalent d’enfouir le poids d’environ 28 500 camions de collecte. Une autre statistique attire toutefois mon attention : on estime qu’au Canada, si la tendance se poursuit, le plastique jeté atteindra une valeur de 11 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie. Pour nos entrepreneurs en gestion des matières résiduelles, chaque défi est synonyme d’occasion à saisir. Et pour la saine gestion des plastiques, les retombées sont colossales.

Une stratégie plastique pour le Québec   

Gérer de manière durable les plastiques nécessite une vision coordonnée et ajustée aux réalités du terrain. L’automne dernier, le gouvernement du Québec a publié un projet de stratégie sur le plastique qui comprend 18 actions réparties en cinq grandes orientations. Cette initiative découle du plan d’action de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles et elle s’attaque à plusieurs fronts, depuis l’écoconception des emballages jusqu’à l’amélioration des systèmes de tri et de recyclage. C’est une bonne nouvelle pour l’environnement et pour notre secteur – et il faut saluer plusieurs mesures :

  • La mise en place d’un soutien aux entreprises ayant recours à l’écoconception des produits en plastique. La conception de ces produits de façon à favoriser leur réutilisation jouera un rôle clé pour la quantité de matière à trier et à enfouir.
  • Le financement de projets pilotes visant à soutenir le développement de nouveaux débouchés et l’innovation associée aux activités de tri, de conditionnement et de valorisation des plastiques. Un marché durable et novateur pour la saine gestion des plastiques passe inévitablement par un soutien robuste au travail important de ceux et celles qui aident à réintégrer la matière dans la chaîne de valeur.
  • L’approche préconisée pour mettre en œuvre les actions de la stratégie, qui se basera sur trois critères : le produit, le type de plastique et l’utilisation qui en est faite. Plutôt que du mur-à-mur, ce qui serait insoutenable en raison de la complexité de chaque produit de plastique, le gouvernement opte pour une approche spécifique et modulaire qui permettra d’assurer une meilleure circularité à travers le marché.

Que reste-t-il à faire pour finaliser la stratégie québécoise ?

La table est mise pour que le gouvernement pose des gestes structurants afin de mieux gérer les plastiques en amont de la chaîne de valeur. Le CETEQ a ainsi proposé quelques pistes pour que le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) approfondisse sa réflexion.

Notamment, le gouvernement s’est engagé à étendre la responsabilité élargie des producteurs (REP) à de nouveaux produits ayant une composante plastique. L’inclusion des petits appareils ménagers dans une REP est toute désignée et devrait être priorisée par le MELCCFP.

Une étude réalisée par Stantec en 2020 a mis en lumière que les petits appareils ménagers tels que les grille-pain, bouilloires et aspirateurs contiennent en moyenne 30 % de plastiques qui peuvent être recyclés, récupérés ou conditionnés au Québec. En l’absence d’une REP coordonnée, le gouvernement privera le recyclage de plus de plastiques que ce que nous utilisons tous les jours.

En plus de la REP pour les petits appareils ménagers, le gouvernement a tout à gagner à se pencher sur les façons dont il peut contribuer à renforcer la chaîne de valeur du tri et de la valorisation. En 2021, RECYC-QUÉBEC estimait que 61 000 tonnes de plastiques ont été retournées par les centres de tri aux marchés de valorisation, dont 63 % auprès des conditionneurs et recycleurs québécois. Appuyer nos centres de tri, qui servent véritablement de plaques tournantes pour prolonger la vie des plastiques mis en marché, doit être une priorité si le gouvernement veut réellement s’attaquer au problème des plastiques.  

Quoi surveiller ?

Bien évidemment, la publication de la version définitive de la stratégie québécoise sur la gestion des plastiques sera un moment clé pour les entreprises du domaine – et pour nous tous en tant que citoyens.

Le Québec ne fait pas cavalier seul dans ses efforts visant à assurer une gestion saine des plastiques ; le gouvernement fédéral a également interdit certains plastiques à usage unique. Toutefois, en novembre dernier, Ottawa a essuyé un revers en Cour fédérale relativement à l’application de sa mesure. Comme Environnement et Changement climatique Canada porte en appel cette décision, il faudra suivre cette saga juridique, puisque la stratégie de Québec se veut complémentaire aux mesures mises en place par les autres paliers gouvernementaux.

La table est mise pour que le gouvernement pose des gestes structurants afin de mieux gérer les plastiques en amont de la chaîne de valeur.

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