Rencontrer pour la première fois le nouveau président-directeur général de Réseau Environnement, Mathieu Laneuville, suscite immanquablement de la curiosité et de l’étonnement.
Il paraît si jeune ; comment peut-il être le PDG de la plus importante organisation en environnement au Québec ? « J’ai quand même 35 ans », affirme-t-il, le regard narquois. Et toujours en souriant, il ajoute, dans une formule dont il a le secret : « Ma jeunesse, c’est un défi que j’essaie d’améliorer chaque jour, et ce qui est le fun avec ça, c’est que de jour en jour, je vieillis… »
Sur un ton moins badin, il souligne à quel point Réseau Environnement, qui fête cette année ses 60 ans, ne craint pas de se renouveler en envoyant le signal à la relève qu’elle est la bienvenue dans ses rangs. « On le voit à l’international : des figures de plus en plus jeunes s’impliquent en environnement, et Réseau adhère fièrement à ce mouvement », indique celui qui occupe les fonctions de président-directeur général depuis le 1er janvier 2022.
M. Laneuville aime rappeler que son style de gestion est axé sur une approche collaborative plutôt qu’autoritaire. « Je rassemble, je recherche les consensus, je fédère. Cela me permet aussi d’enlever des barrières compétitives : on va s’amuser et on va collaborer avec moi. »
Un expert en environnement
Pour Richard Mimeau, directeur général du CETEQ (Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec), Mathieu Laneuville est avant tout un scientifique et un expert qu’il côtoie depuis déjà plusieurs années. « Un expert de l’eau et de tout ce qui touche l’environnement au Québec, dit-il. Naturellement, il connaît aussi la machine gouvernementale, et c’est un atout. Mais surtout, Mathieu est un gars qui va tendre la main, qui va collaborer, qui est ouvert à la discussion et qui est très rassembleur. »
Même son de cloche du côté de Simon Naylor, cofondateur et vice-président de Viridis environnement, qui assume également la vice-présidence du secteur Matières résiduelles chez Réseau Environnement.
« Mathieu, c’est la nouvelle génération, affirme Simon Naylor. Je le trouve extrêmement dynamique et intelligent. C’est un gars qui travaille beaucoup en équipe et qui recherche les consensus. Il est ouvert d’esprit, accepte les remises en question et affiche de l’écoute face à des idées qu’il n’avait pas envisagées lui-même. Il est très axé sur les résultats. Il est fédérateur et pour le poste qu’il occupe, c’est une très grande qualité. »
De la continuité
Fortement identifié au secteur de l’eau — et avec raison ! — Mathieu Laneuville possède toute la compétence requise pour évoluer avec aisance dans les autres secteurs que chapeaute Réseau Environnement : Matières rési-duelles ; Air, Changements climatiques et Énergie ; Sols et Eaux souterraines ; et Biodiversité.
« Je suis un scientifique », rappelle-t-il. Ingénieur civil spécialisé dans le secteur de l’eau, il a obtenu un baccalauréat de Polytechnique Montréal, le prix de la meilleure maîtrise en génie de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et un certificat en économie circulaire de l’Université de Cambridge. Au cours des deux dernières années, il occupait les fonctions de directeur général adjoint de Réseau Environnement, et il cumule plus de 12 ans d’expérience dans le secteur de l’environnement et du développement durable. Son fait d’armes est assurément d’avoir orchestré la Stratégie d’économie de l’eau potable au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.
Le jeune PDG aime aussi rappeler que sa prédécesseure Christiane Pelchat trouvait important que la personne qui lui succède assure la continuité. Il raconte qu’il y a deux ans, celle-ci l’avait recruté afin qu’il prenne sa relève en demeurant fidèle aux valeurs de Réseau Environnement. Elle l’avait informé qu’après quelques mois, elle lui dirait franchement s’il faisait l’affaire. Finalement, il n’aura fallu que quelques semaines pour qu’elle lui lâche : « T’es un bon fit, Mathieu ! » Les deux dernières années ont aussi permis à M. Laneuville de connaître tous les enjeux techniques de l’organisation et il a contribué à des dossiers très importants, comme l’investissement dans les infrastructures vertes pour plonger dans la transition économique vers une société carboneutre.
« D’entretenir cette continuité, autant auprès de notre équipe à l’interne qu’avec nos partenaires, c’est nécessaire et rassurant, affirme-t-il. Oui, je suis le nouveau PDG, mais je respecte énormément ce que l’on a construit au fil des années, et mon intention est de continuer à bâtir là-dessus. On ne fera pas de virage à 180 degrés. »
En 2020 et pendant la pandémie, Réseau Environnement a résolument pris le tournant de l’économie verte, « un pas important pour élargir la portée positive de nos actions », dit M. Laneuville. Celui-ci insiste sur la mission de Réseau Environnement, catalyser l’économie verte, la seule façon selon lui d’améliorer le bien-être humain et de viser une équité sociale en agissant pour minimiser tous les risques environnementaux.
« Grâce à Réseau, on peut oser rêver encore plus loin, ajoute-t-il. Ce qui est chouette, avec l’économie verte, c’est qu’on ne parle plus seulement d’environnement, mais aussi du bien-être des individus. Parce qu’en fin de compte, il y aura toujours des bactéries et de la vie quelque part, mais est-ce que l’humain aura éternellement sa place là-dedans ? Pourra-t-il continuer à se baigner dans des lacs, à avoir accès à de l’eau potable et à de l’air respirable ? Pourra-t-il compter sur des sols non contaminés et jouir d’une belle biodiversité pour les prochaines générations ? C’est cela qui m’intéresse : lier l’économie verte au trio intrinsèque que forment l’environnement, l’économie et le bien-être humain, car on fait tout ça aussi pour nous, les êtres humains. »
Le mentorat et le bénévolat, les pierres d’assise de Réseau Environnement « Seul, on va vite, mais ensemble, on va loin. »
Chez Réseau Environnement, il y a longtemps que l’on a compris que le mentorat permet l’apprentissage dans la continuité. D’autant plus que cette mouvance s’exerce avec passion et bénévolement par des membres de longue date qui sont retraités.
« Quand je suis sorti de l’université, c’est Réseau qui m’a ouvert au monde, affirme Mathieu Laneuville. C’est grâce à des mentors bénévoles comme André Carange, Jean-Louis Chamard, Hubert Demard et Alain Lalumière, et beaucoup d’autres, qu’a été forgé l’esprit de partage et de collaboration capable d’assurer cette continuité dans la mission de Réseau. Mon cheminement, jamais je n’aurais pu le faire seul. Et c’est cela que Réseau amène aussi : seul, on va vite, mais ensemble, on va loin. »
Dans cette sphère d’influence, Hubert Demard aura procuré une aide solide à M. Laneuville lorsque ce dernier était chef d’orchestre de la Stratégie d’économie d’eau potable. Actuellement retraité, M. Hubert Demard est un ancien président de Réseau Environnement, et il est reconnu comme la référence incontestée du milieu de l’eau au Québec.
« Au fil de ma carrière, j’ai travaillé sur plusieurs projets, mais celui qui me tenait à cœur depuis l’obtention de ma maîtrise en 1971, c’était la consommation et l’économie d’eau résidentielle, raconte M. Demard. L’un des comités au sein desquels j’ai travaillé a généré la Stratégie d’économie d’eau potable au moment où j’ai pris ma retraite, il y a une douzaine d’années. Ironiquement, moi qui avais travaillé là-dessus durant toute ma carrière, j’ai pris ma retraite l’année où surgissait enfin quelque chose de très intéressant dans ce domaine! Je suis donc allé rencontrer Mathieu, qui avait été mis en charge de la Stratégie, et j’ai été charmé par sa personnalité avenante. J’ai surtout très apprécié le fait qu’un jeune ingénieur accepte de se faire aider par un vieux de la vieille », ajoute-t-il, pince-sans-rire.
Plusieurs rencontres ont eu lieu entre le mentor et « l’élève », Hubert Demard offrant sans réserve toutes ses connaissances et toutes ses références, qu’elles soient du Québec, du Canada, des États-Unis ou de l’Europe. « J’ai fait ce que j’ai pu pour aider Mathieu et il était prêt à se faire aider », ajoute M. Demard, en ne manquant pas de souligner la grande intelligence, la chaleur humaine et les capacités de meneur de celui-ci.
L’actuel sous-ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec, Frédéric Guay, connaît M. Laneuville depuis plus de dix ans. « Il est un leader incontesté, raconte M. Guay. C’est un gars de solutions, capable d’aller chercher ses partenaires pour les amener à travailler ensemble dans un objectif commun. Son passage à notre ministère a été marquant, parce qu’il a été en mesure de rallier tous ces gens-là autour de sa mission. Il est incontestablement le père de la Stratégie d’économie d’eau potable. »
« Son passage à notre ministère a été marquant, parce qu’il a été en mesure de rallier tous ces gens-là autour de sa mission. Il est incontestablement le père de la Stratégie d’économie d’eau potable. »
— Frédéric Guay, sous-ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec
Traçabilité des sols et GMR
« C’est avec des débouchés que l’on sera en mesure de valoriser nos matières. » – Mathieu Laneuville
Deux dossiers récents du domaine de l’environnement, soit celui de la traçabilité des sols d’excavation et celui des orientations prises par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur la gestion des résidus ultimes, ont démontré à Mathieu Laneuville l’expertise incontestée et le leadership de Réseau Environnement.
« La traçabilité des sols contaminés est l’un des beaux dossiers auxquels j’ai pu contribuer, s’enthousiasme-t-il. En créant Traces Québec, Réseau est fier d’avoir participé au développement d’une technologie adaptée aux besoins de l’industrie. C’est une victoire importante pour l’économie verte, et la traçabilité est une condition essentielle à l’économie circulaire. »
Mathieu Laneuville souligne que dans ce dossier, le rôle de Réseau Environnement a été de créer une étincelle. « Nos mémoires vont souvent dans le sens de la responsabilité des producteurs, cet enjeu ayant beaucoup interpellé nos membres. Nous avons travaillé avec des partenaires impliqués et consciencieux et nous sommes très fiers d’avoir passé le flambeau à Attestra, qui gère maintenant avec compétence la traçabilité des sols au Québec. »
Parmi les partenaires de premier rang figurent le CETEQ et son directeur général, Richard Mimeau. « Déjà, en 2013 ou en 2014, nous discutions de la nécessité d’implanter un système de traçabilité des sols contaminés afin de mettre fin aux pratiques illégales en la matière, raconte Richard Mimeau. À l’époque, Réseau participait à nos comités sectoriels, tout comme aujourd’hui nous participons aux siens. Quand Réseau a créé l’outil de surveillance Traces Québec, nous avons appuyé la démarche. Je ne vous cacherai pas que je doutais que le gouvernement laisse un OBNL comme Réseau gérer des sols contaminés, mais le ministère a embarqué dans le projet. Je lève mon chapeau à Réseau, qui a fait la gestion des opérations et de la logistique. Le tout a été mené de main de maître. »
Richard Mimeau ajoute que le leadership affiché par Réseau Environnement aura permis de créer un système qui engendre de l’imputabilité. « C’est la beauté de la chose. Les pénalités sont plus sévères, et c’est plus facile de voir qui fait quoi et où vont les sols », ajoute-t-il.
En accord avec le BAPE
Autre dossier d’envergure : celui menant au rapport du BAPE concernant la gestion des matières résiduelles. Réseau Environnement a salué les 11 orientations stratégiques du BAPE, car celles-ci vont dans le même sens que les 20 recommandations de son propre mémoire. « Chez Réseau, nous croyons entièrement à la REP [responsabilité élargie des producteurs], ainsi qu’à l’économie circulaire, explique Mathieu Laneuville. Mais notre enjeu, ce sont surtout les débouchés, et nous voulons continuer de travailler sur cet axe-là. C’est avec des débouchés que l’on sera en mesure de valoriser nos matières. »
Pour le vice-président du secteur Matières résiduelles chez Réseau Environnement, Simon Naylor, le BAPE n’a pas erré et a choisi une position intéressante. Néanmoins, il aurait souhaité un peu plus d’ambition de sa part.
« Voici un exemple : le BAPE met en garde contre les technologies de biométhanisation parce que c’est plus cher et que c’est plus complexe que du compostage, explique-t-il. Ce n’est pas faux, sauf que c’est un peu réfléchir en silo que de dire cela. En réalité, notre nation, voire la planète a besoin de fabriquer des énergies renouvelables à partir des matières résiduelles. C’est une manière simple, à notre portée technologique et stratégique, de faire de l’énergie renouvelable. Avec ce qui se passe en Ukraine [et le risque de ne plus pouvoir s’appuyer sur les sources d’énergie russes], croyez-moi, les Européens savent ce que représente l’autosuffisance. C’est donc un enjeu majeur. »
Par ailleurs, concernant la REP, Simon Naylor se dit reconnaissant à l’État québécois d’être proactif et ambitieux dans ses objectifs de gestion propre et intelligente des matières résiduelles. Mais il y va d’une suggestion : être un peu moins axé sur l’obligation des moyens, et davantage sur l’obligation des résultats. « Un des enjeux majeurs est de compter sur des marchés pour les matières que l’on recycle. Tout ce que l’on collecte doit atterrir dans un marché. Réseau est très sensible à ça : développer à l’avenir des marchés pour recevoir ce que l’on génère. »
Se revoir en personne au Salon des teq
Le crémage sur le gâteau pour les 60 ans de Réseau Environnement !
Telle une cathédrale, Réseau Environnement s’élève dans le paysage environnemental du Québec. Ayant 2000 membres, rattachés à tous les secteurs d’activité, l’association en impose. Et cela dure depuis 60 ans !
Cette année marque aussi le retour du Salon des technologies environnementales du Québec (teq), le rendez-vous par excellence des professionnels en environnement. Avec plus de mille participants, une centaine de conférences et plus de 150 exposants, cet événement s’annonce comme de joyeuses retrouvailles.
« Le Salon des teq est un excellent levier pour se rapprocher des experts de tous les secteurs, dont ceux du réseau privé, confie Mathieu Laneuville. Croyez-le ou non, en 2020, le Salon a été le dernier événement tenu avec participation publique, juste avant que tout soit fermé en raison de la pandémie, et il sera le premier dans le secteur à se dérouler en présentiel au Québec. Je constate que les membres ont très hâte de se revoir enfin en personne. Je crois que cet élément humain nous aura beaucoup manqué. »
Cet événement phare de Réseau Environnement se tiendra dans la Vieille Capitale les 17 et 18 mai 2022. Notons que quelques emplacements sont encore libres pour des exposants. Et surtout, pas d’inquiétude quant à la pandémie : « Le Salon aura lieu, avec ou sans masques, selon les recommandations de la Santé publique », ajoute M. Laneuville. (Pour plus de renseignements, consultez la page Web de l’événement à l’adresse suivante : https://reseau-environnement.com/evenements/steq/).
Soixante ans d’accomplissements
Depuis longtemps, Mathieu Laneuville est bien au fait de la force et du pouvoir que détient Réseau Environnement sur l’échiquier environnemental. Il a pu l’observer d’abord comme membre, alors qu’il travaillait pour le gouvernement du Québec, et le constate maintenant aux commandes de la direction de ce puissant OBNL.
« Réseau, c’est ce joueur qui pousse toujours à aller plus loin, exprime-t-il. Il y a quelque chose de pur dans sa mission, parce que même si tous les organismes défendent leurs intérêts, Réseau les rassemble en étant le catalyseur de l’économie verte. Dans les comités, ça bourdonne, car il y a plein de monde provenant de divers horizons. Quand Réseau accouche de solutions, on sait alors qu’il aura une excellente écoute de la part des instances du gouvernement. »
Réseau Environnement a été formé à une époque où les préoccupations environnementales n’étaient pas vraiment à l’ordre du jour. Au fil du temps, après avoir été surtout centré sur les secteurs de l’eau et des matières résiduelles, Réseau Environnement s’est attaché à plusieurs autres enjeux environnementaux en ajoutant trois secteurs : Air, Changements climatiques et Énergie ; Sols et Eaux souterraines ; et Biodiversité.
Ayant pris le tournant de l’économie verte en 2020, Réseau Environnement mise aussi sur une plus grande ouverture. « L’une des forces de Réseau, c’est la diversité de ses membres, dit son PDG. Actuellement, on veut recruter davantage de jeunes entreprises, miser sur la relève, les régions et intéresser les Premières Nations. Le fait de faire preuve d’inclusion et de diversité est une priorité pour nous. »