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Faisons de l’économie circulaire la colonne vertébrale de la stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028

Daniel Normandin, Directeur du CERIEC

Dans l’ombre du conflit russo-ukrainien et de la menace inflationniste, pour ne nommer que ces enjeux-là, la nouvelle n’a malheureusement pas fait grand bruit, mais la circularité de l’économie mondiale s’est encore détériorée en 2022. En effet, lors du Forum économique mondial de Davos, en janvier dernier, l’organisme néerlandais Circle Economy diffusait son cinquième rapport, lequel révélait une statistique alarmante : la circularité de l’économie de la planète aurait chuté, l’an dernier, à 7,2 %. Rappelons que la première mesure, effectuée en 2018, indiquait déjà un taux préoccupant de 9,1 %. Faut-il s’inquiéter de cette détérioration ? La réponse est sans équivoque : oui !

Alors qu’en 1972, la quantité de matières qui entraient dans l’économie mondiale était de l’ordre de 28,6 milliards de tonnes, celle-ci franchissait, en 2019, la barre des 100 milliards de tonnes pour s’établir à 101,4 milliards de tonnes en 2021. Toujours selon le rapport de Circle Economy, si la tendance se maintient, cette quantité de matières nécessaires à soutenir l’embonpoint de notre économie pourrait se situer entre 170 et 184 milliards de tonnes en 2050. Lorsque l’on réalise que les ressources planétaires sont fixes (y compris, en bonne partie, les ressources renouvelables, car celles-ci répondent à des cycles) et que la demande pour ces ressources augmente non seulement avec l’accroissement de la population, mais également avec l’élargissement des besoins individuels, cela annonce une tempête parfaite.

En effet, l’humanité a franchi, en silence, la barre des huit milliards d’individus en novembre dernier. Combinée à un recul de la circularité, cette statistique évoque un impact encore plus important sur la biodiversité et, par effet domino, sur les changements climatiques. Ainsi, comme on le sait, le lien entre la nature et la mitigation des changements climatiques n’est plus à faire 1. En conséquence, la hausse de l’exploitation des ressources naturelles vierges à grande échelle aura forcément des répercussions sur la capacité de la nature à atténuer les changements climatiques. Autre conséquence, le UN Environment Programme estime que 50 % du PIB mondial est lié à la nature 2, entre autres par l’intermédiaire des services écosystémiques. Si une part importante de ces services rendus par la nature devait être remplacée par des technologies, cela entraînerait inévitablement une ponction supplémentaire de ressources vierges. Je vous laisse imaginer la spirale…

Décembre 2022 fut marqué par la COP15 sur la biodiversité. Le constat parle de lui-même : un million d’espèces sont menacées d’extinction, 85 % des zones humides (essentielles, entre autres, à la reproduction de nombreuses espèces d’oiseaux, de batraciens et de poissons) ont disparu, et 75 % de la surface terrestre est altérée de manière significative, sans parler des récifs coralliens, dont 50 % ont été décimés depuis 1870. Cela vous interpelle ? Moi aussi ! Je vous invite à explorer la notion de « limites planétaires », telle que définie par le Stockholm Resilience Centre 3. Sur les neuf limites évoquées,, cinq auraient été franchies, dont celle concernant l’intégrité de la biosphère.

Le 19 décembre dernier, les négociations à la COP15 ont abouti sur un accord, soit celui visant à protéger 30 % des terres et 30 % des mers d’ici 2030 4. Parmi les moyens évoqués pour y arriver, notons la création d’un nouveau Fonds de soutien à la préservation et à la restauration de la biodiversité, la fin des subventions néfastes à celle-ci, et un changement en profondeur de nos modèles économiques. Cette transformation ne peut pas passer à côté de la circularisation des flux de matières 5. Et cela ne se fera pas sans casser des œufs. Le bateau coule ! Distribuer des vestes de sauvetage ne réglera pas le problème ! Notre économie carbure à la surconsommation, au gaspillage et à l’extraction des ressources sans égard à leur fin de cycle. Il faut donc rapidement s’éloigner de la linéarité. Cela dit, la circularité de l’économie ne fera pas miraculeusement disparaître tous les problèmes. Si nous ne devenons pas plus sobres en ce qui a trait à notre consommation, le recours aux ressources vierges pour répondre à une hausse de la demande continuera d’évoluer à un rythme qui mettra en péril non seulement la biodiversité, mais également nos chances d’atteindre nos cibles climatiques.

Le point positif, c’est que la transition est bel et bien amorcée. Non seulement, ici comme ailleurs, parle-t-on plus que jamais d’économie circulaire (environ la moitié des pays de la planète ont des politiques publiques liées à l’économie circulaire), mais la question de la sobriété prend également de plus en plus de place dans l’espace public. Comment accélérer le mouvement au Québec ? Voici ma suggestion : le gouvernement québécois est à réviser sa Stratégie gouvernementale de développement durable pour la période 2023-2028. Cette stratégie s’applique aux ministères et organismes gouvernementaux. Or, non seulement faire de l’économie circulaire la colonne vertébrale de cette stratégie aurait du sens (car sans économie circulaire, point de développement durable), mais en alignant l’ensemble des politiques publiques et des initiatives pertinentes à l’économie circulaire issues des ministères et organismes assujettis, on s’assurerait d’une grande cohérence et d’un puissant coup d’accélérateur.

Pour en apprendre davantage, je vous invite à parcourir le mémoire que le CERIEC a déposé en commission parlementaire, le 2 février dernier 6.

Vous voulez participer aux discussions touchant la transition vers l’économie circulaire ? Soyez présents en grand nombre à Americana 2023 : plusieurs sessions aborderont ce sujet.

  1. UN Environment Programme (PNUE). (2020). Six ways nature can protect us from climate change. https://www.unep.org/news-and-stories/story/six-ways-nature-can-protect-us-climate-change
  2. PNUE. (2021). Becoming #GenerationRestoration: Ecosystem restoration for people, nature and climate. https://www.unep.org/resources/ecosystem-restoration-people-nature-climate
  3. Stockholm Resilience Centre. (s. d.). The nine planetary boundaries. https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries/the-nine-planetary-boundaries.html
  4. United Nations. (2022). UN conference concludes with ‘historic’ deal to protect a third of the world’s biodiversity. https://news.un.org/en/story/2022/12/1131837
  5. Ministère français de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. (2022). La COP15 biodiversité aboutit à un accord. https://www.ecologie.gouv.fr/cop15-biodiversite-aboutit-accord
  6. CERIEC. (2023). Mémoire CERIEC | Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028. https://www.quebeccirculaire.org/library/h/memoire-ceriec-strategie-gouvernementale-de-developpement-durable-2023-2028.html

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