La pandémie de COVID-19 a changé la vie de Grégory Pratte. À l’époque, alors que les Québécois et le reste de la planète étaient isolés, celui-ci est sorti de l’ombre et s’est mis à jaser de collecte sélective sur les réseaux sociaux. Son expertise, son franc-parler et son talent de vulgarisateur l’ont, depuis, amené à multiplier les tribunes où il porte différents messages, tous à caractère vert.
« Parfois, je m’amuse à dire que Grégory est un peu le Jean Lapierre des matières résiduelles, et surtout de la collecte sélective », laisse tomber Richard Mimeau, directeur régional pour le Québec et l’Est de l’Ontario de Matrec-GFL, une entreprise spécialisée dans la collecte des matières résiduelles et recyclables.
« Jean Lapierre avait le don d’embarquer les gens et de leur faire comprendre la politique et ses dédales, ajoute celui qui côtoie M. Pratte depuis plusieurs années. De son côté, Grégory a travaillé fort pour faire comprendre l’importance et la manière de recycler. »
Grégory Pratte agit aujourd’hui à titre de créateur de contenu, de conférencier et de chroniqueur. Mais c’est comme responsable des relations publiques pour les centres de tri de Tricentris, à Lachute, à Gatineau et à Terrebonne, qu’il a commencé à miser sur l’information, la sensibilisation et l’éducation (ISÉ).
La bougie d’allumage : la mise à jour de la page Facebook de Tricentris durant la pandémie.
Certains ont fait du pain durant cette période, Grégory Pratte en a plutôt profité pour mieux expliquer au grand public ce qui doit être déposé dans le bac bleu.
« J’ai commencé à jaser avec le monde, raconte Grégory Pratte. Les gens m’envoyaient une photo d’un emballage qu’ils avaient ramené de l’épicerie et ils me demandaient si ça allait dans le bac. »
Les questions provenaient même parfois d’aussi loin que la Gaspésie et le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ses messages rayonnaient donc bien à l’extérieur du territoire de Tricentris.
Les réponses de l’expert, très réactif sur les réseaux sociaux, ne tardaient jamais et débordaient régulièrement de l’horaire du 9 à 5, du lundi au vendredi. Grégory Pratte profitait également de l’occasion pour expliquer comment et où les matières sont traitées.
Les résultats n’ont pas tardé. Le nombre d’abonnés de la page Facebook de Tricentris a littéralement « explosé », affirme Grégory Pratte. De 5 000 au départ, ils sont désormais près de 65 000 à la suivre.
Un parcours atypique
Cet engouement pour « le pro du bac » n’est pas passé inaperçu. Il s’est mis à être de plus en plus sollicité par différents médias à titre de spécialiste de la collecte sélective. Depuis 2020, la liste de ses collaborations n’a cessé de s’allonger.
Radio-Canada a même fait appel à ses services l’an dernier pour la présentation de chroniques à l’émission de radio Sur le vif. Puis, il a été invité à faire la même chose pour le média 24 heures et l’émission Salut, bonjour !
Sa participation, aux côtés de Gino Chouinard, au populaire rendez-vous matinal de TVA, qui se poursuit à ce jour, a marqué une étape importante dans le parcours de celui qui raconte avoir toujours été fasciné par la télévision.
L’expert en gestion des matières résiduelles affirme avoir toujours senti le besoin de « connecter » avec les gens. Il a commencé à le faire dès son plus jeune âge, car il a déménagé à plusieurs reprises dans sa jeunesse. « C’était difficile pour moi de me faire des amis, dit-il. Ça a développé mon côté social. »
Le parcours de Grégory Pratte, qui a étudié en ce qu’il appelle les « sciences de la parole » (radio, télé, etc.), est d’ailleurs loin d’être linéaire. Il a entre autres œuvré comme célébrant de mariage professionnel durant près de dix ans. Il a uni les destinées de quelque 1 000 couples, calcule-t-il.
« J’étais une rock star dans mon milieu, lance- t-il. J’écrivais des chroniques, je célébrais des mariages et j’étais booké deux ans à l’avance. »
Il a également agi comme coordonnateur aux événements du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) durant huit ans.
Toutes ces expériences, estime-t-il, l’ont forgé et l’ont aidé à se tailler une place dans le milieu des communications.
Grégory Pratte a développé son expertise en environnement en œuvrant, dans un premier temps, au développement des affaires pour MAYA communication et marketing, entreprise à l’origine des magazines Source et 3Rve. Cela lui a permis, dit-il, de rencontrer une foule de personnes qui avaient l’environnement à cœur, bien avant que le sujet devienne d’actualité. Daniel Gingras est un de ceux-là. L’entrepreneur de Saint-Ubald vendait des bacs, mais il a contribué à « révolutionner la collecte des matières résiduelles au Québec », selon M. Pratte.
C’est en 2015 que Grégory Pratte a été embauché par Tricentris. Avant d’être responsable des relations publiques de l’organisme sans but lucratif, il a veillé à la commercialisation de la poudre de verre VERROX. Celle-ci, produite à l’usine de micronisation du verre de Tricentris, permet notamment d’augmenter la durabilité du béton.
La tornade TikTok
Adepte des métaphores sportives, Grégory Pratte a frappé un coup de circuit au printemps 2023 : le « coach du bac » est arrivé sur TikTok. Cette expérience, aussi brève qu’intense, a été réalisée, à nouveau pour Tricentris, avec la collaboration de la spécialiste et gestionnaire de réseaux sociaux Marie-France Gosselin.
Les six vidéos ludiques et éducatives qu’ils ont réalisées ont atteint un million de vues, se félicite le principal intéressé.
« Je dis souvent que le compte a pris en feu, lance Marie-France Gosselin en riant. Ça a été mon plus grand succès. Et sans aucune amplification [stratégie pour augmenter la portée et la visibilité du contenu, NDLR]. »
Selon elle, cet engouement pour le contenu présenté repose en bonne partie sur la personnalité de Grégory Pratte.
« Les gens se sont rapidement attachés à lui, analyse la spécialiste des réseaux sociaux. Il a une bonne connexion humaine. C’est un excellent vulgarisateur et il sait de quoi il parle. »
Mme Gosselin souligne que la plateforme TikTok est souvent associée aux jeunes. Le « coach du bac » rejoignait toutefois toutes les tranches d’âge, note-t-elle.
Selon elle, la popularité de ces vidéos démontre par ailleurs que les informations transmises répondent à un besoin.
Encore une fois, l’initiative du responsable des relations publiques de Tricentris n’est pas passée sous le radar et elle a à l’époque été relevée par plusieurs médias, notamment à l’émission de Paul Arcand au 98,5 FM.
Le projet s’est toutefois terminé pour des raisons budgétaires. Marie-France Gosselin est convaincue que ce n’est que partie remise. Et elle se dit prête à suivre Grégory Pratte « dans ses nouvelles aventures ».
Un nouveau champ d’action
Et de nouvelles aventures, il y en a déjà. La décision a été difficile à prendre, dit Grégory Pratte, mais celui-ci a quitté ses fonctions chez Tricentris en septembre 2023 afin de travailler à son compte. Cela lui permet, du coup, d’élargir son champ d’action et d’intérêt.
Il peut dorénavant déborder du bac bleu et s’intéresser aux autres bacs. Il peut parler de compost, d’herbicyclage, de recyclage des déchets électroniques, de vêtements et de plus encore.
En volant de ses propres ailes, Grégory Pratte affirme s’être fixé une nouvelle mission : devenir le « vulgarisateur en chef de tous les modes de collecte de matières résiduelles » au Québec.
En d’autres mots, il souhaite être pour l’environnement ce que Ricardo Larrivée est au milieu culinaire et Marthe Laverdière pour le jardinage. D’ailleurs, ces deux personnalités l’inspirent.
« Je veux stimuler les conversations avec les gens, indique-t-il. Je crois qu’en gang, on est capables de faire bouger les choses. Tout le monde travaille en silo. Je veux faire éclater les murs. »
Cette communication est d’autant plus importante, fait-il valoir, que le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs a entrepris deux grandes réformes, soit la modernisation des systèmes de consigne et celle de la collecte sélective. La mise en œuvre de ces changements représentera un défi, croit-il. La première phase de la consigne élargie est d’ailleurs récemment entrée en vigueur.
Lever le voile
Le consultant spécialisé en sols contaminés André Carange a croisé Grégory Pratte à plusieurs reprises au cours de sa carrière. À ses yeux, le travail d’information, de sensibilisation et d’éducation (ISÉ) entrepris par le chroniqueur-vulgarisateur est essentiel.
« L’opinion publique est terrible en matière de recyclage », juge-t-il.
Selon lui, trop de gens croient à tort que le contenu du bac bleu finit au site d’enfouissement.
« Ça en prend au moins un pour contrôler tous ceux qui disent toutes sortes de niaiseries par rapport à ce qu’il se fait dans le recyclage », réagit M. Carange, qui a siégé à titre d’administrateur au CA de Réseau Environnement.
« La collecte sélective, c’est un peu nébuleux pour les citoyens, reconnaît Richard Mimeau de Matrec-GFL. Qu’est-ce qu’on met dans le bac, qu’est-ce qu’on n’y met pas ? À quoi ça sert ? Est-ce que ça se recycle vraiment ? C’est quoi, un plastique numéro 7 ? »
Selon M. Mimeau, l’environnement peut se décliner en deux volets. Le premier englobe la lutte aux changements climatiques, la réduction des gaz à effet de serre et l’électrification des transports. Le deuxième est tout aussi important, mais souvent méconnu : l’assainissement et la protection de l’environnement.
C’est ce dernier volet que Grégory Pratte présente sous un autre jour, relève M. Mimeau. Celui-ci dirigeait, jusqu’en 2022, le Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ).
« C’est ce que Grégory essaie de vulgariser, et c’est ce que j’ai fait quand je suis arrivé au CETEQ, dit-il. Il faut faire comprendre aux gens, au gouvernement et à toutes les instances que ce qu’il se passe sur le terrain aide à la lutte aux changements climatiques et que c’est essentiel pour l’environnement. »
« Il faut s’occuper des déchets ultimes, du recyclage, des lieux d’enfouissement technique, des sols contaminés, des matières dangereuses, ajoute-t-il. C’est un travail important, qui est un peu méconnu. Les gens comme Grégory réussissent à faire connaître notre industrie. »
Selon M. Mimeau, Grégory Pratte a par ailleurs un style bien à lui. « C’est un gars passionné, émotif, qui ne laisse personne indifférent, dit-il. Ses opinions tranchées peuvent parfois déranger dans l’industrie, mais ça fait partie de la job. »
De bonnes nouvelles
Selon Grégory Pratte, une foule de PME québécoises proposent et mettent de l’avant différentes idées et technologies pour recycler et revaloriser divers produits et matières. Des exemples ? Polystyvert, pour la styromousse, et Pyrowave, pour les plastiques non recyclables, cite-t-il spontanément.
« Quand entend-on parler d’elles ? Rarement. Moi, je vais faire ça. Je vais parler des bonnes affaires qui se passent au Québec. Je trouve que le discours est trop négatif. L’accent est mis sur ce qui n’est pas fait, plutôt que sur les bons coups. »
« Je veux être un semeur de bonnes nouvelles », lance Grégory Pratte.
Son discours s’inscrit par ailleurs dans une époque où l’écoanxiété gagne du terrain. Le chroniqueur et conférencier affirme avoir beaucoup d’empathie pour les gens qui s’alarment face à l’état de la planète, d’où l’importance de présenter les choses sous un autre angle, croit-il.
Et c’est ce qu’il a l’occasion de faire dans le cadre de ses collaborations régulières dans les médias, que ce soit à la télévision, à Salut, bonjour !, ou encore à la radio, à Sur le vif.
Un nouveau mandat
Souhaitant profiter de l’expertise de Grégory Pratte et de sa facilité à communiquer, la Ville de Terrebonne lui a par ailleurs récemment confié un mandat. Celui-ci s’inscrit dans la foulée de la stratégie de réduction à la source déjà mise en œuvre par la municipalité au cours des dernières années, explique la cheffe de section en matière de gestion des matières résiduelles, Geneviève Rivard.
« Notre adage est que le meilleur déchet, c’est celui que l’on ne produit pas », souligne-t-elle.
Entre autres projets mis de l’avant, Terrebonne s’est notamment démarquée avec sa campagne « Non merci aux objets à usage unique1 ». Celle-ci s’est accompagnée d’une modification à la réglementation municipale afin d’interdire la distribution de ces objets.
« L’arrivée de Grégory est un autre jalon de notre stratégie, explique Mme Rivard. Nous visons un mandat d’information, de sensibilisation et d’éducation. Nous savons qu’il a une facilité à rejoindre les gens. Nous faisons donc appel à sa créativité pour une portée grand public. »
Des conférences et d’autres activités pourraient ainsi être offertes aux citoyens, mais également aux commerçants, aux organismes, voire aux employés municipaux, alors que Terrebonne dit viser « l’exemplarité ».
Le plan de match reste encore à élaborer, précise la cheffe de section en matière de gestion des matières résiduelles. Mais le mandat octroyé à Grégory Pratte ratisse large et s’étirera sur quelques mois, dit-elle.
Figure connue à Terrebonne, où il habite et où il a travaillé chez Tricentris, Grégory Pratte se démarque assurément par « son expérience, son style et sa facilité à créer des liens », souligne Geneviève Rivard.
« Beaucoup le suivent parce qu’il réussit à expliquer les choses simplement, dit-elle. Et c’est cette proximité-là que nous voulons développer avec notre population. Nous souhaitons que les gens trouvent auprès de lui des réponses à toutes leurs questions liées à l’environnement, que ce soit la gestion des déchets, des matières recyclables et des matières organiques. Bref, tout ce qui est à trier dans les maisons au quotidien et tout ce que l’on peut faire pour mettre les poubelles au régime. »
Selon Mme Rivard, Terrebonne veut ainsi sortir des sentiers battus pour mettre de l’avant une stratégie supplémentaire afin de convaincre ceux qui sont plus réfractaires à trier les différentes matières dans les bacs appropriés. L’objectif : réduire toujours plus la quantité de déchets voués au site d’enfouissement. Ce nouveau mandat correspond parfaitement au type de mission que Grégory Pratte souhaite relever à l’avenir, dit celui-ci.
Il entend saisir toutes les occasions possibles, y compris un retour sur TikTok, pour continuer à présenter le milieu environnemental sous un autre jour.
Le connecteur « vert » est donc loin d’avoir dit son dernier mot.
« Nous souhaitons que les gens trouvent auprès de lui des réponses à toutes leurs questions liées à l’environnement, que ce soit la gestion des déchets, des matières recyclables et des matières organiques. Bref, tout ce qui est à trier dans les maisons au quotidien et tout ce que l’on peut faire pour mettre les poubelles au régime. »
— Geneviève Rivard, cheffe de section en matière de gestion des matières résiduelles à la Ville de Terrebonne
1 Ce terme désigne entre autres les pailles, les sacs d’emplettes, les ustensiles de plastique, la vaisselle jetable, etc.