ÉditosLe robinet est ouvert

Le robinet est ouvert

Par André Dumouchel

Il faut admettre que le plastique est une formidable invention. Il a transformé notre existence, nous a facilité la vie de mille et une façons, a également favorisé l’hygiène et la salubrité tout en ayant, somme toute, un coût ridiculement bas compte tenu des avantages qu’il présente. Aveuglé par ces incroyables bienfaits, l’humain n’a jamais soupçonné que le plastique pouvait aussi s’avérer un fléau, une véritable catastrophe écologique.

Depuis le début des années 1950, la prolifération des produits faits de plastique est ahurissante. On peut carrément affirmer que les industries, les manufacturiers et les humains sont accros à ce matériau presque indestructible. Et c’est ici que le bât blesse : à l’échelle d’une vie, le plastique est éternel !

Chaque année, grâce à la pétrochimie, on produit environ 380 millions de tonnes de plastique et des rapports du Programme des Nations Unies pour l’environnement confirment que de 40 à 50 % de cette quantité est à usage unique. On parle ici de divers objets faits de plastique, utilisés quelques instants seulement, mais dont la pollution planétaire durera au moins plusieurs centaines d’années.

Que deviennent tous ces déchets de plastique ?

Dans un autre rapport des Nations Unies, on a évalué que 9 % des déchets de plastique à travers le monde étaient recyclés (c’est sensiblement le même chiffre au Canada), que 12 % étaient incinérés et que 79 % étaient enfouis, placés dans des décharges ou rejetés dans l’environnement.

Si certaines initiatives visant à s’attaquer à différents types de plastique à usage unique prennent leur élan un peu partout sur la planète, les plages océanes sont encore un révélateur profond du désastre que le plastique provoque, puisqu’on y retrouve constamment des mégots de cigarettes (filtres faits de plastique), des bouteilles en plastique, des bouchons de bouteilles, des emballages pour aliments, des sacs et des couvercles en plastique, des pailles et des agitateurs et divers récipients en styromousse allant des gobelets (verre, tasse, etc.) jusqu’aux plats pour emporter. Et ce que l’on voit sur les plages ne représente, vraisemblablement, que la pointe de l’iceberg.

Des continents de plastique

On estime que plus de 10 millions de tonnes de plastique sont déversées dans nos océans chaque année, puisque tout ce qui n’est pas trié, recyclé ou incinéré s’y ramasse tôt ou tard. Le septième continent de plastique, cela vous dit quelque chose ?

Dans les faits, il existe cinq zones d’accumulation massive de plastique, dont la plus grande se situe dans le Pacifique Nord, mais on en retrouve aussi dans l’Atlantique Nord et Sud, dans l’océan Indien et même dans la Méditerranée.

Les scientifiques les nomment « gyres », ou « vortex ». La plus vaste, dans le Pacifique, comporterait 1,8 billion (soit 1800 milliards) de morceaux de plastique sur une surface de la taille approximative du Québec. Sous l’effet combiné des éléments, les plastiques se décomposent en microplastiques, et 95 % de ces morceaux finissent par mesurer moins de cinq millimètres.

Les plastiques dans les océans sont un énorme problème, puisque ces vortex de microplastiques deviennent un réel danger pour les organismes marins lorsqu’ils sont ingérés. Des chercheurs de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization (CSIRO) ont démontré qu’il existerait 14 millions de tonnes de microplastiques sur l’ensemble du plancher océanique 1. Faut-il s’étonner que cette soupe toxique tue de plus en plus d’animaux marins, empoisonnant du même coup la chaîne alimentaire dont vous et moi faisons partie ?

À ce jour, la recherche sur les répercussions du plastique sur la santé humaine s’est concentrée sur des moments déterminés du cycle de vie du plastique, comme le parcours du puits de pétrole à la raffinerie, ou celui des étagères des magasins au corps humain. Or, on commence déjà à entrevoir les risques importants que présente le plastique océanique pour la santé humaine à l’échelle mondiale, et c’est alarmant.

C’est pourquoi il est grand temps de faire comme nous le suggère Benjamin Von Wong, l’artiste-activiste que nous vous présentons dans cette édition : fermons le robinet !

  1. Khare, Eesha. (2020, 19 octobre). 14 million tons of microplastic are on the ocean floor. Harvard University Blog. https://sitn.hms.harvard.edu/flash/2020/14-million-tons-of-microplastic-are-on-the-ocean-floor/

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