ÉditosLes résidus de CRD : négligés depuis trop longtemps 

Les résidus de CRD : négligés depuis trop longtemps 

Par André Dumouchel

Certaines matières résiduelles sont clairement négligées au Québec, et les résidus de construction, de rénovation et de démolition (CRD) en sont un exemple probant.

Cela fait plus de 30 ans que le système de collecte sélective résidentielle des matières recyclables a été mis en place. Le bac bleu est devenu depuis un incontournable des foyers et des ICI québécois. Depuis, les matières qui y sont déposées sont majoritairement récupérées, triées ou valorisées. Pour ce qui est de la filière structurée et efficace vouée à la récupération et à la valorisation des résidus de CRD, elle tarde toujours à voir le jour.

L’enjeu mérite pourtant qu’on s’y attarde. Près de la moitié des 3,5 millions de tonnes de résidus issus du secteur de la construction (bois, ciment, bardeaux d’asphalte, agrégats et autres) a été acheminée directement à l’élimination plutôt que dans un centre de tri, selon le Bilan 2021 de la gestion des matières résiduelles de RECYC-QUÉBEC. C’est beaucoup trop ! Imaginez un instant le tollé si on nous apprenait que la moitié des imprimés, des contenants et des emballages prenait le chemin de l’enfouissement.

Ce qui explique ce triste bilan ? C’est plutôt simple. L’enfouissement des CRD coûte moins cher que toute autre façon d’en disposer, en plus d’être la coutume. Et si rien n’oblige les différents acteurs de la chaîne à agir autrement, le choix n’est pas difficile à faire.

Afin que le recyclage de ces matières soit priorisé, une partie de la solution repose inévitablement sur la mise en place de nouvelles mesures réglementaires. Et les matières devront transiter par les centres de tri. Sans parler de la traçabilité, qui demeure un défi. Parlez-en aux gens de la filière des sols contaminés.

Un certain nombre de centres de tri de résidus de CRD sont en place au Québec. Mais faute d’un volume suffisant de matières, leur rentabilité est mise à mal. Et, dans la foulée, leur développement, voire leur modernisation, est souvent mis sur la glace.

Ce contexte peu favorable n’a pas empêché Matrec-GLF de sortir des sentiers battus et de miser sur les résidus de CRD en investissant plusieurs millions de dollars dans la construction d’un nouveau centre de tri dans l’est de Montréal. L’entreprise annonce ses couleurs ! 

Mais pour que le jeu en vaille la chandelle, pour ce propriétaire de centres de tri comme pour les autres, la chaîne de valorisation des résidus de construction doit faire l’objet d’une véritable révolution.

Priorité

L’avenir s’annonce malgré tout prometteur, car le milieu politique est conscient de la problématique. Il semble d’ailleurs vouloir en faire une priorité, comme le souligne dans nos pages le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette.

Autre bonne nouvelle : la présidente-directrice générale de la société de récupération et de recyclage RECYC-QUÉBEC, Emmanuelle Géhin, affirme pour sa part que les acteurs de cette filière sont plus que jamais mobilisés pour trouver des solutions.

Parmi ceux-ci, les entrepreneurs en construction. Ils sont prêts à apporter leur contribution, assure le directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, David Dinelle.

Le dépôt d’un plan de match est attendu prochainement. La mise en application des mesures s’échelonnera peut-être sur quelques années. Mais il est plus important que jamais de joindre le geste à la parole.

Dans cet esprit, pourquoi d’ailleurs ne pas s’inspirer de la collecte sélective des matières recyclables, qui fait actuellement l’objet d’une modernisation ?

Quand verra-t-on la mise en place d’un organisme sans but lucratif, semblable à Éco Entreprises Québec, organisme de gestion désigné responsable de la collecte sélective, mais expressément pour les résidus de CRD ?

La responsabilité élargie des producteurs (REP), ce principe selon lequel les entreprises qui mettent sur le marché des produits au Québec doivent les récupérer et les gérer en fin de vie, s’applique à un nombre croissant de catégories de produits. Les piles et les batteries, les appareils ménagers et de climatisation ainsi que les appareils électroniques font partie de la liste. 

Une REP sur les matériaux de construction et de rénovation comporterait à mon avis de nombreux avantages. En favorisant l’économie circulaire, les débouchés pour les différents résidus seront sûrement appelés à se multiplier.

Bref, assurément un dossier à suivre.

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