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L’eurêka d’Éco-captation

Par Marie-France Létourneau

L’entreprise Éco-captation est à l’origine d’une véritable révolution dans le recyclage du polystyrène (PS), le fameux « plastique no 6 », cet indésirable des bacs bleus. S’il n’en tient qu’à son fondateur, Gilles Venne, le modèle de la PME deviendra pancanadien.

« C’est un concept qui va probablement s’inscrire dans l’histoire de la gestion des matières résiduelles au Québec », estime-t-il.

Éco-captation exploite une usine à Prévost, dans les Laurentides, où environ 500 tonnes de polystyrène en vrac, récupérées en bonne partie aux écocentres, peuvent être triées annuellement dans une usine à la fine pointe de la technologie, avec l’aide de l’intelligence artificielle.

Propriété de NexKemia depuis novembre 2022, l’entreprise prévoit construire au cours de la prochaine année une deuxième usine afin de pouvoir traiter tout le polystyrène qu’elle récupère. L’emplacement n’a pas encore été dévoilé. Son entrée en service est prévue au printemps 2024.  

La matière transformée en agrégat par Éco-captation a différentes utilités et s’inscrit dans un concept d’économie circulaire. Un exemple ? Le polystyrène en granules est un des ingrédients de la recette parfaite de béton mise au point par le fabricant québécois de mobilier urbain Simax.

Un homme déterminé  

L’ingéniosité et la détermination de Gilles Venne, désormais directeur du développement des affaires pour le Canada et l’Est des États-Unis, sont à l’origine de la mise sur pied d’Éco-captation.

M. Venne a eu la « piqûre » du polystyrène en 2015, alors qu’il travaillait chez Cascades. Il avait à l’époque participé avec RECYC-QUÉBEC à un projet-pilote sur le recyclage du polystyrène.

« Il a été conclu que parce que c’est une matière légère, ce n’est rentable pour personne. Et ça a été abandonné », explique-t-il.

Les années ont passé, mais son intérêt pour le recyclage de cette matière, qui occupe un volume important dans les poubelles, est demeuré aussi vif.

Éco-captation a ainsi vu le jour en 2019, après qu’André et Sylvain Gagnon – propriétaires du Groupe Gagnon, une entreprise de Prévost spécialisée dans le déchiquetage et l’entreposage de documents – ont invité Gilles Venne à démarrer une division axée sur le recyclage du polystyrène.   Avant de commencer à le récupérer, M. Venne s’est employé à y trouver une « deuxième vie ». L’utilisation du polystyrène recyclé dans les produits de commodité a été priorisée au terme de plusieurs tests. 

Changement de propriétaires

M. Venne a par la suite convaincu, une à une, les administrations municipales d’installer des bacs de récupération de polystyrène, entre autres celui utilisé pour les barquettes alimentaires et les emballages de produits de consommation.

À ce jour, Éco-captation a des ententes avec 75 écocentres. Mais l’entreprise veut récupérer le polystyrène dans les 396 écocentres québécois d’ici deux ans.

Le retrait, l’an dernier, d’André Gagnon des activités du Groupe Gagnon et le désir de son fils Sylvain de ne plus poursuivre l’aventure d’Éco-captation auraient pu sonner le glas de l’entreprise. Mais Gilles Venne a multiplié les démarches pour trouver de nouveaux partenaires. Et il a trouvé une oreille attentive chez les propriétaires de NexKemia.

L’entreprise de Mansonville, en Estrie, fabrique une résine de polystyrène expansible utilisée dans la confection de plusieurs produits courants, dont les panneaux d’isolation employés dans le secteur de la construction.

« Un de nos rêves est de faire un pas de plus vers la circularité et de nous assurer que le polystyrène a une seconde vie », explique Pierre Beaudry, directeur général de NexKemia.

L’acquisition, en novembre 2022, d’Éco-captation représentait donc une occasion à saisir. Ainsi, NexKemia développera sous peu une résine contenant du polystyrène recyclé.

Un défi : le mode de facturation

« On s’est donné comme objectif de ne plus enfouir aucun polystyrène post-consommation – au Québec pour commencer, et dans le reste du Canada par la suite », précise Gilles Venne. Il collabore déjà avec différents intervenants qui travaillent dans le domaine du plastique dans les autres provinces.

Dans quelques années, chaque province pourrait donc compter une usine semblable à celle mise sur pied par Éco-captation.

Le plus grand défi rencontré en cours de route par Gilles Venne a été de mettre en place un système de facturation qui n’est pas lié à la gestion des matières résiduelles : « Nous ne pouvons pas facturer [le polystyrène] à la tonne. Ça ne pèse rien », lance-t-il.

Éco-captation ne facture donc pas la matière, mais le service offert. « Le système de gestion des matières résiduelles, qui est en fonction d’un prix à la tonne, freine le vrai développement du recyclage », estime M. Venne.

Les objectifs à moyen terme de l’entreprise sont d’optimiser les activités de transport pour éviter d’ajouter des camions sur la route, de même qu’évaluer la réduction des gaz à effet de serre générée par le service et les crédits de carbone qui y sont associés. 

Gilles Venne affirme qu’au fil des ans, plusieurs personnes ont prédit l’échec d’Éco-captation. Mais le modèle a fait ses preuves : « Les sceptiques ont été bien confondus! », se réjouit-il.

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