ReportageLouise Fecteau ; revenir pour aller plus loin

Louise Fecteau ; revenir pour aller plus loin

Par Guy Des Rochers

On pourrait croire que Louise Fecteau a choisi le confort en retrouvant un poste dont elle avait elle-même dessiné les contours lors de son premier séjour chez Compo-Haut-Richelieu, de 1996 à 2002.

Cependant, si celle qui a maintenant 60 ans a préféré chausser à nouveau les bottes de la direction générale de cette entreprise, ce n’est pas pour une tranquille balade jusqu’à une éventuelle retraite. Loin de là.

« L’idée d’avoir un site de compostage sur notre territoire, c’était dans le plan initial de Compo-Haut-Richelieu, en 1996, mais cela n’a pas fonctionné pour différentes raisons, explique-t-elle. À mon retour chez Compo, en 2018, ce projet était revenu sur la table à dessin, mais ne progressait pas à la vitesse souhaitée. C’est précisément le genre de défi qui me stimule, et j’ai décidé de mettre mon expérience à profit afin que le projet se réalise. »

C’est pour cela qu’elle n’a pas hésité à revenir marcher dans ses propres traces : « Mon retour à la direction de Compo, ce n’est pas un recul, c’est plutôt que je veux aller encore plus loin que la première fois. » Louise Fecteau se sent d’autant plus prête à faire face à la musique que, pendant un hiatus de plusieurs années, cette administratrice chevronnée s’est dotée d’une expérience inestimable faite d’études et de mandats exécutés pour sa firme Gaïa environnement, qu’elle a cofondée avec sa partenaire Sophie Bergeron.

« J’ai toujours voulu mieux comprendre afin d’avoir plus d’influence et plus de prise sur ce qui nous arrive. Quand on a ce qu’il faut entre les mains, que l’on sait où se placer, on possède un pouvoir d’influence », ajoute-t-elle.

Adepte de la formation continue

Le riche parcours professionnel de Louise Fecteau lors des 40 dernières années a contribué à lui créer un coffre à outils impressionnant. Ses études lui ont fait enchaîner les diplômes, dont, entre autres, un DEC en production animale, des diplômes universitaires de premier cycle en administration et en gestion des ressources humaines, un certificat en gouvernance des sociétés, ainsi qu’une maîtrise en sciences de l’environnement.

De plus, puisqu’elle aime être au cœur des développements de l’industrie, Louise n’a jamais hésité, par l’entremise de Gaïa environnement, à plonger dans des mandats exigeants, tels que la conception et l’administration d’un programme d’aide financière à l’intention des municipalités pour l’implantation de la collecte des matières recyclables dans les aires publiques de la province de 2007 à 2015. Elle a également été porte-parole de Bacs+, en 2015-2016, de même que responsable de la révision du plan de gestion des matières résiduelles et des consultations publiques de la MRC du Haut-Richelieu (2014-2015).

« J’ai la soixantaine assumée, et encore beaucoup d’énergie. À mon âge, on commence habituellement à vouloir ralentir, à penser à la retraite, mais j’ai effectué un retour chez Compo à un moment charnière pour déployer des projets importants », affirme-t-elle.

Ainsi, en 2018, la volonté de participer à la mise en œuvre d’un projet novateur a reconduit Louise Fecteau à la direction générale de la société d’économie mixte Compo-Haut-Richelieu, après sa contribution à l’envol de cet organisme, en 1995, qu’elle a quitté en 2002 pour fonder Gaïa environnement, une firme de services-conseils aux entreprises et aux organismes impliqués dans des activités environnementales.

« J’ai toujours été en formation continue afin d’enrichir ma pratique professionnelle, explique cette insatiable curieuse, avide d’apprendre et de comprendre. Durant mes 40 années de travail, j’ai partagé mon temps entre ma vie de famille, laquelle était prioritaire, mes études et ma vie professionnelle. N’importe qui, en regardant mon parcours, se demanderait si j’ai eu trois vies ! » Ses deux fils étant maintenant des adultes exerçant pour l’un le droit et pour l’autre, la médecine, Louise Fecteau doit certainement avoir la satisfaction du devoir accompli sur le plan familial, ce qui explique peut-être sa disponibilité pour replonger dans le défi engageant de Compo-Haut-Richelieu.

D’abord en agriculture

Native de Sorel-Tracy, Louise Fecteau doit à son premier emploi d’avoir adopté la région de Saint-Jean-sur-Richelieu. « J’ai d’abord étudié à l’Institut de technologie agroalimentaire, à Saint-Hyacinthe, pour obtenir un DEC. Mon premier employeur a été la Régie des assurances agricoles du Québec, dont l’un des bureaux est à Saint-Jean, et pendant dix ans, j’ai sillonné le Québec agricole de long en large. J’ai donc un background en agriculture. »

Dans la trentaine, elle devint mère de deux garçons et c’est après son premier congé de maternité qu’elle effectua une révision de carrière. Un peu par hasard, un appel de candidatures pour Compo-Haut-Richelieu l’entraîna dans le milieu de l’environnement. L’entreprise n’existait pas encore, il s’agissait des balbutiements et de la mise en place de la première société d’économie mixte en environnement dans le domaine municipal au Québec. « C’est bizarre, parce que je n’étais pas nécessairement la candidate, mais ç’a toujours été un peu comme ça dans ma vie, admet Louise Fecteau. Moi, une fille de la ville, j’ai atterri dans le milieu agricole, dans un monde de gars. Dans l’univers des déchets, c’était aussi le même phénomène, un autre univers de gars. Et dans ces univers que l’on peut qualifier d’un peu “rudes”, lorsque l’adversité s’exprime, j’ai toujours adopté le même modus operandi : les collaborations et la formation continue. Quand je sens que je suis dans une situation où j’ai des lacunes, il faut que j’aille chercher des outils. »

Louise fut sept ans à la direction de Compo-Haut-Richelieu, jusqu’à la création de Gaïa, en 2002. « Je suis devenue directrice générale de Compo-Haut-Richelieu peu de temps après mon arrivée et je le suis demeurée jusqu’à mon départ. J’ai été de toutes les phases de l’édification de cette entreprise, et Dieu sait qu’il y en a eu, des phases! À mon départ, les principaux services à développer, tels que la collecte sélective et le déploiement des premiers écocentres, étaient en place », spécifie-t-elle.

Gageons que Louise Fecteau désirera ajouter d’autres pierres à l’édifice de Compo-Haut-Richelieu, elle qui avait grandement contribué à sa fondation, maintenant qu’elle en orchestre la destinée.

La société d’économie mixte une formule gagnante

Au premier abord, peu de choses distinguent Compo-Haut-Richelieu des entreprises du même genre qui offrent différents services de collecte – que ce soit des ordures ou des matières recyclables et organiques –, qui possèdent des écocentres et qui gèrent différents projets de réduction à la source. Toutefois, c’est sur le plan de l’administration et de la gestion que Compo-Haut-Richelieu devient distincte et originale : il s’agit d’une société d’économie mixte.

Pour la directrice générale de Compo-Haut-Richelieu, Louise Fecteau, ce type de société  permet, entre autres, d’avoir une stabilité à long terme que l’on ne retrouve pas nécessairement dans un système public, grâce à la possibilité d’organiser les services sur de très longues périodes tout en ayant la capacité de procéder à des ajustements en cours de route. « Ça offre une souplesse à l’organisation », précise-t-elle.

Dans le monde municipal, ce concept d’économie mixte quoiqu’implanté depuis longtemps en Europe, est relativement nouveau dans le paysage québécois, et il diffère des modèles de PPP (partenariat public-privé) institutionnels, comme l’explique Louise Fecteau : « Résumé très sommairement, un PPP typique, au Québec, c’est une institution publique qui confie au privé la construction, l’exploitation et le financement d’une infrastructure, comme le CHUM ou le pont de l’autoroute 25. »

La société d’économie mixte se distingue en ce qu’elle est composée en permanence d’une part majoritaire de capitaux publics et d’une part minoritaire de capitaux privés dans le but de gérer une activité ou une entreprise. « Le contrôle est public, mais la société agit comme une entreprise privée », ajoute Louise Fecteau.

Compo-Haut-Richelieu reçoit les orientations de son actionnaire majoritaire, la MRC du Haut-Richelieu, puis, en véritable entreprise, elle les met en œuvre en ayant la responsabilité et la gestion de différents services et projets d’infrastructures.

« Dans la pratique, le partenaire privé (Matrec-GFL) participe à la société en tant qu’expert dans son domaine, en partageant les investissements et les connaissances et en faisant une veille constante de tout ce qui se fait de mieux dans le domaine d’activité de la société. Le partenaire public (la MRC) apporte un territoire, ainsi que des masses critiques minimales et essentielles afin d’obtenir des projets viables », explique Louise Fecteau.

L’art du consensus

Ce genre d’entreprise, où siègent au même conseil des élus et des partenaires issus du privé, présente un réel potentiel d’intérêts divergents.

« Comme directrice générale, Louise est une chef d’orchestre capable de créer de l’harmonie dans un groupe où chacun peut exprimer sa particularité, confie Yazan Kano, vice-président régional chez Matrec-GFL. Sa vaste expérience lui permet de s’acquitter de son devoir envers les actionnaires et le conseil d’administration, composé de membres de notre entreprise et de représentants des municipalités, lesquels sont toujours majoritaires. Elle est la médiatrice entre les deux mondes et elle réussit à bien faire comprendre les enjeux des décisions prises au conseil. »

Pour Louise Fecteau, qui cherche à être « le ciment » capable d’unir et d’harmoniser les différences, il n’existe malheureusement pas de manuel d’instructions pour faire travailler ensemble, dans un conseil, des élus et des acteurs du privé. « Il n’y a pas de mode de fonctionnement pour faire se rencontrer ces deux univers parallèles, explique-t-elle. D’entrée de jeu, il peut sembler difficile de concilier les intérêts de chacun, mais nous y sommes parvenus. La dynamique est excellente au sein du conseil. Les clés pour y parvenir ? Se préparer, avoir des habiletés relationnelles, inspirer confiance et avoir confiance en l’un et en l’autre. »

De plus, il est clair que, pour Louise Fecteau, la société d’économie mixte  est une formule gagnante en matière de performance. « Cette structure offre de l’agilité, affirme-t-elle. Le privé étant l’actionnaire minoritaire et le prestataire de services, son expertise lui permet de suggérer rapidement les ajustements requis lorsque surviennent des imprévus et, comme actionnaire, il n’a pas intérêt à ce que cela achoppe. La MRC connaît ses citoyens et leurs attentes. C’est une formule gagnante. »

Cependant, Yazan Kano croit que la viabilité du modèle d’économie mixte exige des prérequis : il faut que les règles du jeu soient bien établies et que le conseil d’administration valorise l’éthique et l’intégrité. « Si ce n’est pas le cas, on ouvre la porte à de l’abus, que ce soit du côté public ou privé, explique-t-il. Par ailleurs, l’expertise d’une entreprise privée comme la nôtre, qui réalise des activités partout en Amérique du Nord, se nourrit des expériences acquises un peu partout afin de mettre rapidement en place des solutions à d’éventuels problèmes. C’est un atout essentiel. »

Centre de compostage régional

de Compo-Haut-Richelieu un projet qui lui tient à cœur

Le projet innovateur de la première usine de compostage avec maturation entièrement sous bâtiments au Québec 1 serait-il l’un des motifs du retour de Louise Fecteau à la direction de Compo-Haut-Richelieu ? « Oui ! clame-t-elle avec enthousiasme, et je me suis donné comme objectif que ce beau projet se réalise. »

Ce projet innovant et d’envergure a mis du temps à lever de terre, de nombreuses étapes étant requises pour y arriver. Louise Fecteau explique que cette idée d’avoir un site de compostage sur le territoire du Haut-Richelieu date du début de l’entreprise, en 1996. « Nous souhaitions être propriétaires d’un lieu afin d’éviter de dépendre de tiers, ce qui nous rend toujours vulnérables, précise-t-elle. Pour différentes raisons, ce projet de longue haleine a été retardé. »

C’est Louise Fecteau elle-même, par l’intermédiaire de son entreprise Gaïa, qui avait obtenu le mandat de rédiger la demande d’aide financière auprès du principal programme gouvernemental de subvention, dès 2013. « Donc, le projet, je le connaissais, mais les démarches d’obtention d’autorisations, de permis et de financement se sont avérées plus longues et plus compliquées que prévu. »

« C’est dans ces situations que mon expérience peut être pleinement mise à profit », confie-t-elle.

L’art de la médiation

La construction, en cours, va bon train et l’échéance des travaux est prévue pour avril 2023. La première livraison de compost devrait se produire à l’automne 2023 ou à l’hiver 2024.

« Bien sûr, nous ne sommes pas meilleurs que les autres, et nous avons rencontré de nombreux défis au cours des derniers mois, confie Louise Fecteau. Comme dans tous les projets de construction, nous vivons avec plusieurs risques, tels que les problèmes de chaîne d’approvisionnement ou de grande volatilité des coûts de carburant et de certains matériaux », précise-t-elle.

Comme elle n’arrive pas sur le chantier avec ses gros sabots, Louise cherche à détendre l’atmosphère, même si la rigueur est toujours de mise.

« Il m’arrive de débarquer là en leur disant : “Bon, qu’est-ce qui manque à votre bonheur aujourd’hui ? ” Avec une main de fer dans un gant de velours, je m’organise pour que tout le monde réussisse à travailler dans un contexte favorable. Il faut que ça marche ! L’échéancier doit être respecté. En fin de compte, je dois trouver la bonne façon d’agir en tant que chef d’orchestre. Il faut que tout le monde joue la même partition. »

Selon elle, quand on fait confiance aux gens, on provoque en retour une rétroaction favorable. « Peu importe avec qui, et à quel niveau, une relation basée sur la confiance mutuelle est la clé d’un projet mené à terme, spécifie-t-elle. Pour cela, il faut compter sur des partenaires de choix. Matrec-GFL et la MRC du Haut-Richelieu sont le socle sur lequel tout projet s’élève. Ce sont deux organisations novatrices, qui réussissent à établir des liens de confiance. Moi, je suis la médiatrice, le ciment entre ces entités aux intérêts a priori bien différents. S’il n’y avait pas de confiance mutuelle, nous serions toujours en train de nous empêtrer. »

GFL est le plus grand gestionnaire de matières organiques au Canada et, pour Jean-Philippe Laliberté, qui en est le directeur général des opérations d’enfouissement et de la conformité, la possibilité pour Compo-Haut-Richelieu de compter sur un opérateur d’usine possédant beaucoup d’expérience dans ce genre d’activité est un atout inestimable.

« La beauté de la chose, explique-t-il, c’est que l’on retrouve toute l’expertise nécessaire sous le même toit. Et comme ce n’est pas la première usine que GFL construit avec le même procédé, l’amélioration continue est inscrite dans le déroulement du projet. L’usine de Compo-Haut-Richelieu est un peu une version 3.0, voire 4.0, de nos autres usines, et nos experts sont à pied d’œuvre pour en faire un total succès. »

Le fait que le centre de compostage soit exploité par Matrec-GFL est un gage de réussite pour Louise Fecteau. « L’exploitation du site lui est confiée de manière contractuelle, précise-t-elle. Cette entreprise excelle dans cette activité hyperspécialisée et nous sommes assurés d’obtenir le compost de la meilleure qualité qui soit. »

Cette déclaration, Jean-Philippe Laliberté l’appuie sans conteste : « Ce compost de la meilleure qualité, il n’est pas utopique de croire que nous allons le réaliser, puisque nous l’avons déjà obtenu dans nos autres installations. Nous maîtrisons le procédé. Mettre à profit l’expérience de GFL dans ses autres installations, c’est aussi ce que cela veut dire. »

  1. Compo-Haut-Richelieu. (s. d.). Centre de compostage régional.

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