Le 25 décembre 2021, le gouvernement fédéral a déposé le projet de Règlement interdisant les plastiques à usage unique. Or, contrairement à ce que laisse entendre son titre, le projet de règlement n’a pas pour objet d’interdire « les plastiques à usage unique ». Tout au plus, il propose d’interdire trois articles manufacturés en plastique conçus pour un usage unique :
- Les anneaux pour emballage de boissons ;
- Les bâtonnets à mélanger ;
- Les récipients alimentaires destinés à servir ou à transporter des aliments prêts à consommer qui sont fabriqués à partir de certains plastiques jugés problématiques.
Le projet de règlement propose également de soumettre trois autres articles à des normes de durabilité, et donc d’interdire :
- Les pailles 1 et les ustensiles en plastique qui se déforment si on les plonge dans de l’eau maintenue entre 82 °C et 86 °C durant 15 minutes ;
- Les sacs d’emplettes en plastique, fabriqués à partir de film de plastique, qui se brisent ou se déchirent s’ils sont utilisés pour transporter un poids de dix kilogrammes sur une distance de cinquante-trois mètres à cent reprises, ou qui se brisent ou se déchirent s’ils sont lavés dans une machine à laver programmée, selon les recommandations du fabricant de la machine, pour effectuer un cycle de lavage du coton ou du lin.
Des normes de durabilité
Ainsi, le projet de règlement propose d’obliger le recours à des pailles, ustensiles et sacs d’emplettes plus durables qui peuvent être réutilisés, par opposition à des articles qui sont conçus pour un usage unique.
C’est là où le bât blesse. Certes, on fournira des ustensiles en plastique plus résistants. Mais qu’est-ce qui force ou incite le pique-niqueur qui s’offre une poutine dans un parc le vendredi à conserver, laver et réutiliser sa fourchette en plastique pour le tofu général tao qu’il prendra sur le pouce le mercredi suivant à la foire alimentaire du centre commercial ?
Tout porte à croire que le comportement du consommateur changera peu du seul fait du projet de règlement et que les articles visés par une norme de durabilité ne seront pas davantage réutilisés ou recyclés qu’actuellement. Plusieurs des articles en plastique interdits seront donc remplacés par d’autres articles en plastique qui, même s’ils peuvent être réutilisés, risquent tout de même d’être jetés après une seule utilisation.
Une approche « désintégrée »
Notons également que les normes de durabilité ne prévoient rien pour assurer expressément une meilleure recyclabilité ou le recyclage des solutions de remplacement. Un sac d’emplettes peut fort bien transporter un poids de dix kilogrammes sur une distance de cinquante-trois mètres à cent reprises sans se déchirer, sans pour autant être facilement recyclable ou inclure quelque contenu recyclé que ce soit. Or, l’un des axes fondamentaux de l’approche proposée de gestion intégrée des produits de plastique du gouvernement fédéral consistait justement à favoriser le contenu recyclé dans les produits de plastique.
C’est d’ailleurs une approche de ce type qui a été retenue dans la nouvelle réglementation montréalaise, qui prévoit que certains articles recyclables et fabriqués à partir de contenu recyclé seront permis lorsqu’il n’est pas possible de recourir à des articles réutilisables.
Force est de constater que le projet de règlement fédéral ne s’inscrit pas dans cette orientation.
Notons également qu’un nouveau document de consultation portant sur un éventuel projet de règlement sur le contenu recyclé de certains articles manufacturés en plastique a été publié le 11 février 2022, alors que la période de consultation concernant le projet de règlement tirait déjà à sa fin.
En procédant par étapes, le gouvernement fédéral adopte donc une approche « désintégrée » qui ne permet pas d’assurer la cohérence du projet de Règlement interdisant les plastiques à usage unique avec la réglementation à venir concernant, notamment, la question du recyclage du plastique. Une publication simultanée de l’ensemble de la réglementation portant sur les interdictions de certains articles de plastique à usage unique, sur les exigences en matière de contenu recyclé dans les produits de plastique, et sur la responsabilité élargie des producteurs aurait permis une meilleure cohérence des instruments réglementaires à venir concernant les plastiques.
À ce sujet, notons qu’un rapport récent du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes suggère au gouvernement d’en faire plus concernant, notamment, le recyclage et la responsabilité élargie des producteurs.
Bref, le projet de règlement est loin d’interdire tous « les plastiques à usage unique ». D’abord, il s’intéresse aux « articles manufacturés » et non aux « plastiques » en général. Par ailleurs, il n’interdit en réalité que trois articles en plastique. Il propose en outre des normes de durabilité pour trois autres articles, qui pourront être remplacés par des articles théoriquement réutilisables, mais sans incitatif ni obligation de les réutiliser, de les recycler ou d’assurer que leur impact environnemental sur le cycle de vie sera inférieur à celui des plastiques interdits.
Le règlement aurait donc avantage à être intitulé « Règlement interdisant certains articles manufacturés en plastiques à usage unique et instaurant des normes de durabilité pour certains autres articles manufacturés en plastique » afin de refléter correctement son contenu.
J’en conviens, les interdictions limitées proposées dans le projet de règlement peuvent avoir une certaine utilité. Cependant, tel que libellé et en l’absence d’une réglementation plus intégrée et englobante s’intéressant au recyclage et à l’écoconception, le projet de règlement constitue, au mieux, une avancée modeste pour la réduction de la pollution par le plastique et, au pire, un possible recul à ce sujet.
- Le projet de règlement prévoit des exemptions à l’interdiction des pailles, notamment pour les utilisations dans les établissements de soins.