Enerkem, une entreprise née au Québec il y a une vingtaine d’années, possède une technologie inédite capable de transformer les déchets non recyclables et non compostables en biocarburants propres et en produits chimiques circulaires.
Sa technologie brevetée est tellement innovante que de gros joueurs internationaux se sont joints à elle pour la construction d’une usine de 875 M$ à Varennes, dans une contribution sans précédent à l’économie circulaire et à l’accélération de la transition verte.
« Ce projet, qui était dans nos cartons depuis longtemps, a réussi à attirer des partenaires de calibre mondial comme Shell (l’investisseur principal), Suncor et Proman », raconte Charles Tremblay, vice-président responsable de l’exécution de projets chez Enerkem.
Avouons que ce partenariat avec des pétrolières multinationales est plutôt impressionnant. « En effet, ajoute M. Tremblay, des pétrolières de cette envergure qui cherchent à décarboner leurs activités, il n’y en a pas beaucoup ! De surcroît, ce partenariat attire sur Enerkem le regard d’autres entreprises, et disons que ça fait sonner le téléphone ! »
En plein dans la cible de l’économie circulaire
Comme modèle d’économie circulaire, il est difficile de trouver mieux actuellement que l’idée révolutionnaire exploitée par Enerkem. « Il s’agit d’utiliser une ressource abondante : matières résiduelles destinées à l’enfouissement, rejets des centres de tri, biomasse forestière résiduelle, résidus de textiles et plastiques non recyclables, déchets ligneux ou contenants alimentaires souillés, dit M. Tremblay. Grâce à notre technologie, ces résidus sont ensuite gazéifiés et purifiés afin de produire un alcool, du biométhanol, ou un autre type de carburant circulaire. Notre technologie permet également de fabriquer des produits chimiques circulaires qui se retrouvent dans des produits de tous les jours comme la peinture, les solvants, les colles, les plastiques et même les textiles. » Alors que partout, dans l’industrie mondiale de l’environnement, on cherche des moyens d’abandonner une économie linéaire dans laquelle on prend, fabrique, utilise et élimine, voici que l’approche d’Enerkem favorise enfin un modèle d’économie circulaire digne de ce nom, où on réduit, réutilise et recycle. De plus, cette technologie devient une solution de gestion durable des déchets, complémentaire au compostage et au recyclage.
Une usine phare pour biocarburants
L’usine RCV (pour Recyclage Carbone Varennes) aura aussi le mérite de produire des biocarburants de deuxième génération. « La première génération de biocarburants utilisait comme matière de base des produits agricoles, comme le maïs, ce qui enlevait beaucoup de terres agricoles destinées à l’alimentation, explique M. Tremblay. En revanche, la deuxième génération a recours à des matières qui sont rejetées, ce qui a aussi le mérite de réduire les volumes de déchets enfouis et d’éviter de créer ou d’agrandir des sites d’enfouissement. »
L’usine RCV, dont les activités devraient débuter en 2024, fabriquera en premier lieu du biométhanol. « Le projet de Varennes est davantage orienté sur les biocarburants, mais au cours de la première phase des activités, c’est du biométhanol qui sera généré, explique M. Tremblay. C’est un carburant que l’on peut utiliser dans les bateaux en plus d’être à la base de la pétrochimie. Donc, dès le départ des activités, nous entrerons dans une économie circulaire. »
Un immense marché
Comme le précise M. Tremblay, Enerkem profite de l’ouverture de nouveaux marchés grâce à la validation technologique conférée par ce partenariat. « Pour ces multinationales, l’usine de Varennes deviendra en quelque sorte le projet phare du déploiement de notre technologie partout dans le monde. C’est donc un projet très catalyseur pour nous. » En outre, Hydro-Québec sera aussi un partenaire de premier plan puisque la société d’État pourra offrir sa capacité hydroélectrique excédentaire afin que l’usine mette à profit l’hydrogène et l’oxygène renouvelables produits par électrolyse. D’ailleurs, cette conversion proviendra d’un électrolyseur de grande puissance construit en partenariat avec Hydro-Québec.
Le procédé thermochimique exclusif d’Enerkem s’avère une solution d’importance en vue de la transition énergétique planétaire, « car il permet le recyclage du carbone et de l’hydrogène contenus dans des matières non recyclables en prenant presque n’importe quelle sorte de déchets », explique M. Tremblay.
À terme, l’usine de Varennes utilisera à peu près 200 000 tonnes de matières résiduelles et de biomasse afin de produire chaque année 125 millions de litres de biométhanol. Actuellement, c’est l’Europe qui accapare le gros du marché du biométhanol. « Notre produit vise la navigation comme débouché, afin de décarboner le transport maritime. Dans une seconde phase, nous fabriquerons des biocarburants pour les moteurs à combustion des automobiles au cours de la transition nécessaire menant aux véhicules tout électriques et peut-être, même, des biocarburants pour l’aviation », précise Charles Tremblay.
Il va sans dire que le marché est immense. Par exemple, un bateau transcontinental utilisera quelque 50 000 tonnes de biométhanol par année. L’usine de Varennes en produira pour plus de 100 000 tonnes. « Le biocarburant de l’usine de Varennes pourra donc décarboner environ deux bateaux par année. Nous ne sommes alors pas inquiets de trouver preneur pour nos produits », conclut M. Tremblay.
« L’usine de Varennes deviendra en quelque sorte le projet phare du déploiement de notre technologie partout dans le monde. »
— Charles Tremblay, vice-président responsable de l’exécution de projets chez Enerkem