Saviez-vous que le Québec ne compte aucune usine produisant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, et que la réglementation fédérale interdit depuis plusieurs années la fabrication, l’utilisation, la vente et l’importation au Canada des plus connues de ces substances1 ?
Pour les personnes qui ne sont pas spécialisées en la matière, il est normal qu’une certaine confusion demeure autour de ces contaminants auxquels on s’intéresse de plus en plus. Alors, repartons de la base : les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, appelées « composés per- et polyfluorés », « SPFA » ou plus couramment « PFAS », acronyme anglais, constituent une famille de plusieurs milliers de substances chimiques de synthèse qui se dégradent très lentement après leur utilisation.
Nous savons désormais que les effets des PFAS sont bioaccumulables et nocifs pour la santé, tout comme pour les écosystèmes. Pourquoi donc sont-ils aussi répandus ? Solubles dans l’eau et dans les graisses (amphiphiles), les PFAS sont jugés utiles pour de nombreuses applications industrielles ou commerciales. On y recourt depuis plusieurs décennies en raison de leurs propriétés ignifuges, antitaches, antiadhésives, émulsifiantes et imperméabilisantes.
C’est pour ces raisons que l’on en retrouve dans beaucoup de produits de consommation de la vie courante, comme des emballages alimentaires, des revêtements antiadhésifs pour nos instruments de cuisson, nos vêtements imperméables, des produits antitaches, des meubles, des tapis, et même des produits de soins personnels 2.
L’attention médiatique donnée à ces contaminants toxiques, persistants et bioaccumulables ne diminue pas : taux élevés répertoriés dans certaines eaux municipales, contamination de biosolides importés des États-Unis pour l’épandage agricole… Malgré ces révélations qui ont fait la une des journaux, il faut réitérer que la présence de PFAS dans l’eau potable et dans les biosolides est loin de se comparer aux principales sources d’exposition que demeurent nos aliments, les tapis et la poussière que nous inhalons quotidiennement, pour ne nommer que celles-là.
L’eau potable, par exemple, représenterait moins de 1 % de notre exposition journalière estimée en PFAS 3. On ne pourrait le dire trop souvent : au Québec, l’eau potable est d’une excellente qualité et répond à des normes parmi les plus élevées en Amérique du Nord. Il existe d’ailleurs quelques méthodes pour traiter les PFAS dans l’eau, notamment la méthode par charbon activé. Bien que les PFAS soient suivis et étudiés depuis déjà plusieurs années au Québec comme au Canada, les connaissances et les données à ce sujet sont manquantes. C’est pour cette raison, et conformément au principe de précaution, que plusieurs recommandations ont été émises par rapport à ces composés chimiques dans les dernières années, au Québec comme ailleurs 4.
Quant aux cas de contamination en PFAS dans une minorité de biosolides provenant des États-Unis, ils sont inquiétants, et il est évidemment souhaitable d’agir rapidement pour éviter que la même chose ne se produise au Québec. Il est important de rappeler que comparativement aux États-Unis, le Québec a l’avantage de n’avoir aucune usine produisant des PFAS sur son territoire. De plus, une réglementation fédérale interdit depuis plusieurs années la fabrication, l’utilisation, la vente et l’importation au Canada des PFAS les plus connus. Pour ces raisons, les risques de contamination dans les biosolides s’en trouvent grandement minimisés. Il n’en demeure pas moins qu’il est important d’améliorer les connaissances et d’acquérir davantage de données pour avoir un meilleur portrait de la situation au Québec.
La filière du recyclage des biosolides est un excellent modèle d’économie circulaire et représente la meilleure manière de gérer nos boues agricoles sur le plan agronomique, économique et environnemental. Les solutions de rechange possibles au recyclage des biosolides sont l’élimination par enfouissement ou l’élimination par incinération. Ces deux méthodes étant loin d’être optimales d’un point de vue environnemental, nous devons continuer de privilégier le recyclage des biosolides, tout en protégeant les terres agricoles du Québec.
Du point de vue des citoyens, l’inquiétude relative aux PFAS se justifie néanmoins : présents dans le sang de 98,5 % des Canadiennes et des Canadiens 5, ces contaminants émergents demandent un grand effort de démystification et nécessitent une forte volonté de réglementation de la part des gouvernements.
C’est pourquoi Réseau Environnement a rassemblé un groupe d’expertes et d’experts provenant d’organisations publiques, privées et de recherche scientifique, œuvrant plus particulièrement dans les secteurs des matières résiduelles, de l’eau et des sols, dans le but d’informer les gouvernements et de les inciter à identifier, à normer, à gérer et à réduire l’exposition de la population aux PFAS, puis à traiter adéquatement ces substances qui sont déjà présentes dans les écosystèmes.
Dans cet esprit, nous avons participé aux consultations publiques de Santé Canada au sujet de la qualité de l’eau potable, ainsi qu’à la mise sur pied d’un comité spécial regroupant une quarantaine d’actrices et d’acteurs des milieux concernés par le recyclage des biosolides pour accompagner le MELCCFP dans ses réflexions sur son encadrement.
Il va sans dire que, pour Réseau Environnement, une saine gestion des PFAS passe par leur réduction à la source, conformément à la priorisation des 3RVE, tout en s’assurant que leurs produits de remplacement ne sont pas aussi néfastes pour la santé et l’environnement. Ultimement, cela voudrait dire que nous devrions viser l’interdiction pleine et simple de leur utilisation. De plus, il serait nécessaire d’effectuer des analyses des effluents susceptibles de contenir des PFAS afin d’identifier les sources potentielles de contamination et d’agir directement auprès d’elles. L’instauration à courte échéance de seuils de concentration de PFAS dans les biosolides constitue une autre de nos priorités.
Notre plus récent mémoire sectoriel sur les PFAS, disponible pour consultation dans la section « Publications » de notre site Web, regroupe pour vous les principales recommandations de nos spécialistes sur le sujet et représente le fruit de travaux s’échelonnant sur plusieurs mois.
C’est ensemble que nous arriverons à éliminer les PFAS de l’environnement et à protéger la santé publique de ces contaminants. Pour maintenir la confiance du public, nous devons poursuivre nos efforts visant l’élaboration de nouvelles normes qui viendront renforcer le cadre réglementaire les entourant et favoriser des méthodes de contrôle privilégiées par les meilleures pratiques environnementales à notre disposition.
1 Gouvernement du Canada, 2008, 2016.
2 INSPQ, 2023.
3 Tittlemier et al., 2007.
4 MELCCFP, 2023.
5 CCME, 2021.