Le 16 décembre dernier, alors que toute l’attention était portée au temps des fêtes en bulles familiales, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, a largué une bombe dans l’industrie de l’environnement en mandatant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour procéder à une réflexion approfondie sur la disposition des résidus ultimes sur l’ensemble du territoire québécois.
Lançant cette opération en raison des enjeux de capacité à court terme de plusieurs lieux d’enfouissement technique (LET), le ministre souhaite se servir des résultats de ces travaux pour développer une vision à long terme en ce qui a trait à la disposition des déchets ultimes.
S’il faut saluer cette initiative qui pourrait permettre de planifier la gestion des matières résiduelles de façon efficiente et cohérente, soulignons tout de même que le BAPE est un organisme consultatif qui ne donne que des avis. L’application de ses recommandations dépend du gouvernement. Or, il y a 25 ans, le ministre de l’Environnement de l’époque confiait un mandat similaire au BAPE, à la différence que celui-là portait sur l’ensemble des matières résiduelles. À première vue, il ne fait aucun doute que si ses recommandations avaient été suivies, nous n’en serions pas là aujourd’hui. N’empêche que depuis ce temps, un ménage a été fait dans les lieux de disposition des déchets. Au Québec, la grande majorité des LET opérationnels gèrent les déchets de façon sécuritaire et responsable tout en respectant les règles environnementales.
Alors, comment diminuer les volumes de déchets qui y sont enfouis ? Une partie de la réponse se trouve dans l’expression « résidus ultimes », qui rappelle qu’un imposant travail de tri, de récupération et de valorisation doit être effectué en amont, avant que l’on se retrouve avec des déchets à éliminer. Après tout, les LET ne génèrent pas la matière – ils ne font que traiter les déchets qu’on y achemine.
Acceptabilité sociale
On constate que les LET n’ont pas bonne réputation, et il n’est pas surprenant que le syndrome « pas dans ma cour » soit si tenace. Comment pourrait-il en être autrement alors que nous diabolisons la poubelle pour mieux vanter les mérites des bacs bleus et bruns depuis près de trois décennies ? Il faut admettre que notre rapport aux déchets est filtré par notre conscience. Il n’est pas bien vu de jeter un objet à la poubelle, même quand il doit s’y retrouver. La popularisation de concepts utopistes comme le « zéro déchet » et l’idée voulant que restreindre le permis d’exploitation des LET entraînerait une diminution de la production de déchets ultimes sont de bons exemples du fait que les vues de l’esprit dominent quelquefois le débat.
Après le BAPE d’il y a 25 ans, d’importants efforts ont été déployés autour de la mécanique du système. Il est maintenant grand temps de tourner notre attention vers les intrants : les gisements de matières, leur composition et leur provenance. Par exemple, l’écoconception devrait être obligatoire, encadrée et réglementée.
Un second BAPE portant sensiblement sur les mêmes questions que le premier apportera-t-il un regard neuf ? On peut croire que oui, car contrairement à l’enquête précédente, la commission procède cette fois de façon à permettre à tous les citoyens concernés de contribuer à ses travaux, notamment par la création d’une assemblée citoyenne représentative de la population. Loin de nuire au processus, l’aspect virtuel des consultations aura permis d’augmenter le nombre de participants et de démocratiser les travaux du BAPE. En toute logique, le degré d’adhésion aux solutions environnementales choisies pour la gestion des matières résiduelles devrait être plus élevé, car les gens auront contribué à les élaborer.
Le rapport du BAPE déposé en 1996 a conduit à plusieurs recommandations qui se sont retrouvées sur une tablette. Il faut se demander si cette nouvelle (et coûteuse) consultation mènera à des décisions cohérentes pour le bien de l’environnement, ou si elle ne sera qu’une autre stratégie politique.
Une bonne façon de le mesurer sera d’analyser les contraintes que le ministre de l’Environnement réussira à imposer à ses puissants collègues, notamment celui de la Santé : les hôpitaux passent peut-être sous le radar, mais ils envoient une quantité pharaonique de matières à l’enfouissement. En effet, s’il y a des gains gargantuesques à faire sur le plan de la diminution du volume de déchets enfouis, ce n’est pas tant à l’échelle résidentielle, mais plutôt à celle des industries, des commerces et des institutions.
Vingt-cinq ans plus tard, il est temps de faire le ménage dans les ICI. Pourquoi ne pas donner l’exemple en commençant par les institutions gouvernementales ?