ReportageRecyclage : Les grandes ambitions de GFL pour Matrec au Québec

Recyclage : Les grandes ambitions de GFL pour Matrec au Québec

Par Guy Des Rochers

Quand son ancien exploitant a fermé le centre de tri de Saint-Hubert à la fin de 2019, Matrec a rapidement compris que plusieurs municipalités de la rive sud de Montréal seraient probablement affectées par la situation.

« Du jour au lendemain, elles ne pouvaient plus compter sur un centre de tri et n’avaient plus de solution pour la gestion de leurs matières recyclables. Il n’était pas question pour nous d’abandonner toute une population à son sort », affirme Yazan Kano, vice-président régional de Matrec.

Parce que Matrec avait déjà exploité ce centre de tri dans le passé et que l’entreprise est maintenant une division de GFL Environmental, un incontestable leader nord-américain dans l’univers du recyclage et des solutions environnementales, l’idée de remettre en route ce centre de tri s’est rapidement concrétisée.

« GFL avait acquis Canada Fibers un peu plus tôt durant l’année, cette entreprise ayant été le plus grand recycleur au Canada, précise Yazan Kano. Grâce aux connaissances de Stephen Miranda, qui est vice-président recyclage de GFL pour le Canada, nous avons constitué une équipe spéciale afin de trouver des solutions et de redémarrer le centre de tri. »

Un plan de sauvetage

Même si cette situation comportait de multiples complications, l’expertise et les ressources de Matrec et de GFL leur ont permis de naviguer à vue et de maintenir le paquebot à flot.

« Les bonnes relations d’affaires que nous avions maintenues au fil du temps, dont celles que nous avions tissées avec le fabricant québécois de machinerie Machinex, et notre connaissance des exigences des acheteurs concernant les matières recyclables nous ont permis de monter rapidement un plan de réinvestissement dans le centre de tri de Saint-Hubert », précise Yazan Kano.

Toutefois, avant même de déclencher son plan, Matrec devait s’assurer du respect d’une condition : pouvoir s’asseoir à la même table que tous les intervenants des MRC, c’est-à-dire sa clientèle, afin de faire des ententes de gré à gré. Élus et gestionnaires municipaux, RECYC-QUÉBEC, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques ainsi que le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation… Bref, la démarche n’avait rien de conventionnel.

« Quand j’ai présenté les projets aux différentes instances, je leur ai parlé avec mon cœur, affirme Yazan Kano. Je leur ai expliqué que pour trier les matières recyclables afin qu’elles puissent répondre aux besoins du marché, il était nécessaire de faire des investissements importants au centre de tri de Saint-Hubert. Mais je leur ai aussi démontré, grâce à mon plan d’affaires, que les municipalités allaient aussi bénéficier des investissements réalisés par Matrec en recevant leur part des revenus générés par la vente des matières triées. »

Faire du neuf avec du vieux

Pour paraphraser Yazan Kano, reprendre le centre de tri pour le remettre à jour a constitué « une méchante job de bras » ! D’abord, un investissement dans la première phase de 6 M$ a été nécessaire, plus un autre de 1,25 M$ pour le bâtiment. Le gros du budget est allé à la machinerie, commandée et installée dans un laps de temps très court (trois mois). « Des changements spectaculaires ont été apportés, comme l’installation de deux nouveaux lecteurs optiques de Machinex, qui nous a soutenus dans toutes nos démarches. Nous avons aussi installé un convoyeur d’alimentation avec tambour pour la salle de tri, des convoyeurs d’alimentation et de pré-tri pour la ligne des contenants, un courant de Foucault, de nouvelles presses, et nous avons modifié l’aire de réception des matières du centre de tri. À part quelques convoyeurs, le centre a été transformé presque entièrement. Et tout cela au début de la pandémie, ce qui nous a obligés à faire quelques contorsions ! »

Le centre de tri de Saint-Hubert fait maintenant partie des centres tout à fait modernes et tournés vers l’avenir de GFL. « Nous avons fait du neuf avec du vieux, dit Yazan Kano. Nous avons cependant fait les investissements nécessaires pour générer de la matière pouvant être intégrée dans une économie circulaire afin de l’écouler sur le marché local et nord-américain. Nous en sommes très fiers ! »

Ainsi, le nouveau centre de tri de Matrec à Saint-Hubert a ouvert ses portes le 1er avril 2020. « C’est ce que nous avions promis à tous les maires, dit M. Kano. Aujourd’hui, nous sommes exactement là où nous souhaitions être. »

« Des changements spectaculaires ont été apportés avec l’aide de Machinex, qui nous a soutenus dans toutes nos démarches. À part quelques convoyeurs, le centre a été transformé presque entièrement. »

— Yazan Kano

« Saint-Hubert : un tremplin pour d’autres projets au Québec » — Stephen Miranda, vice-président recyclage de GFL

Avec l’acquisition de Canada Fibers, en 2019, GFL est devenu le leader et le plus grand gestionnaire de matières recyclables au Canada, œuvrant véritablement d’un océan à l’autre.

En compagnie de sa division québécoise Matrec, GFL a relancé le centre de tri de Saint-Hubert, et ses projets pour le Québec sont loin de s’arrêter là. 

« Nous voyons Saint-Hubert comme un tremplin vers ce que nous souhaitons accomplir au Québec. Par ailleurs, nous n’en avons pas terminé avec ce centre de tri, affirme Stephen Miranda. Nous avons l’intention d’y ajouter encore plus d’équipements dans les mois à venir afin de mieux répondre aux besoins de la clientèle. »

Dans les faits, Stephen Miranda confirme que la renaissance du centre de tri de Saint-Hubert ne constitue qu’un premier jalon en vue d’une implication plus soutenue dans l’industrie québécoise du recyclage.

« Avec notre équipe chez Matrec, nous croyons que la responsabilité élargie des producteurs (REP) que compte implanter le gouvernement du Québec sera une occasion pour GFL de canaliser notre expertise, notre expérience et nos ressources au profit des producteurs, des municipalités, des clients ICI et de tous les types d’utilisateurs de matières recyclables au Québec. Nous voyons de grandes possibilités de développement au Québec et nous sommes en position pour continuer d’investir dans des centres de tri de la Belle Province. »

« La REP est importante pour le secteur du recyclage au Québec, affirme pour sa part Yazan Kano. Les producteurs seront responsables et devront s’assurer que la matière qu’ils génèrent sera recyclée et réutilisée dans un circuit d’économie circulaire. »

La notion de REP pour le recyclage est loin d’être inconnue pour cette entreprise puisque depuis mai 2020, GFL fournit des services de post-collecte pour un programme complet de REP pour le compte de Recycle BC en Colombie-Britannique.

Machinex, un partenaire de GFL

Pour Jonathan Ménard, vice-président aux ventes et au positionnement stratégique chez Machinex, le plan d’affaires québécois de Matrec est vu d’un très bon œil.

« Disons qu’au cours des trois dernières années, nous avons collaboré étroitement avec GFL, puisque nous avons mené avec eux plusieurs projets, dont celui de Saint-Hubert, et aussi quatre projets d’importance à travers le Canada : deux dans la grande région de Toronto (Peel et Arrow Road), un autre à Winnipeg, au Manitoba, et un dernier à Richmond, en Colombie-Britannique. »

En ce qui concerne l’entreprise Machinex, de Plessisville, qui vient de fêter son 50e anniversaire de fondation, sa réputation d’excellence à livrer la marchandise ne se dément plus. « Machinex fournit des centres de tri hautement mécanisés, clés en main, faisant appel à une technologie de pointe et à l’intelligence artificielle. Et c’est exactement ce que nous avons réalisé chez Matrec et GFL. Je dirais même que nous avons placé la barre encore plus haut », affirme Jonathan Ménard.

Les centres de tri du Manitoba, de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec exploitent actuellement 28 trieuses optiques et 4 robots dotés de l’intelligence artificielle provenant de Machinex. Et tout cela a été réalisé en moins de 18 mois (2020-2021). « Honnêtement, ce fut toute une aventure ! », s’étonne encore aujourd’hui Jonathan Ménard, fier d’avoir collaboré avec les gens de Matrec et de GFL à la réussite de ces projets dans un laps de temps aussi court.

« L’innovation et l’investissement continu dans la technologie sont le seul moyen de réussir dans cette industrie. Au fil des ans, la gestion des centres de tri est devenue un secteur de haute technologie, à forte intensité de capital. »

—  Stephen Miranda

Direction : le futur, dès maintenant

Pour Stephen Miranda, il ne fait aucun doute que GFL continuera à investir dans la technologie : « Notre industrie est maintenant en concurrence avec le reste du monde. La gestion des matières recyclables n’est plus une industrie locale. L’innovation et l’investissement continu dans la technologie sont le seul moyen de réussir dans cette industrie. Au fil des ans, la gestion des centres de tri est devenue un secteur de haute technologie, à forte intensité de capital. C’est pour cela que nous sommes si fiers de nos installations, lesquelles répondent non seulement aux besoins actuels de nos clients, mais détiennent aussi de la marge de manœuvre pour une augmentation de leurs besoins futurs. »

C’est à juste titre que GFL s’enorgueillit de ses centres de tri. Par exemple, l’année dernière, la National Waste & Recycling Association a co-décerné au centre de Winnipeg le prix du centre de tri de l’année 2020, une récompense établie en évaluant les principaux centres de tri en Amérique du Nord selon des critères tels que l’innovation, la durabilité et les répercussions environnementales. «

Ce prix confirme que nous avions vu juste avec la conception du centre de tri de Winnipeg, résolument tourné vers l’avenir et conçu avec une capacité excédentaire pour tenir compte d’une augmentation d’activités futures », exprime Stephen Miranda. Celui-ci ajoute que plusieurs caractéristiques des installations des centres de tri de GFL démontrent à quel point ils sont uniques. « Avec nos partenaires, nos systèmes ont été conçus pour être intelligents, sécuritaires, flexibles et adaptables aux changements potentiels de la composition des flux entrants. »

En s’attardant au nouveau centre de tri primé de Winnipeg, qui a été édifié à partir de rien sur une superficie de 80 000 pieds carrés, Stephen Miranda souligne que sa conception avant-gardiste aura aussi permis de faire face sereinement à la pandémie de COVID-19.

M. Miranda conclut : « Nous sommes heureux d’avoir conçu le centre de tri de Winnipeg avec beaucoup d’espace, tant sur le plan de travail que dans les salles à manger et dans les vestiaires. Cela a permis à nos employés de se sentir à l’aise, car la distanciation physique en est grandement facilitée. D’autant plus que Machinex a non seulement conçu les équipements, mais a aussi fait un excellent travail dans son installation. Tout a fonctionné d’une façon géniale ! »

Soleno trouve sa matière première dans les bacs bleus

« Quand nos concitoyens mettent un contenant de plastique no 2 dans le bac bleu, celui-ci est expédié dans un centre de tri. Une fois le triage de cette matière accompli, nous achetons ces bouteilles de plastique usagées pour les envoyer à notre usine de recyclage de Yamachiche afin qu’elles y soient transformées en une résine de qualité. Cela met en lumière deux prérequis incontournables : une bonne implication citoyenne dans la collecte sélective, et des centres de tri capables de produire une matière d’une grande pureté. »

L’exemple utilisé par Guillaume Villemure, directeur du développement et de l’approvisionnement chez Soleno, est la définition même de l’économie circulaire et démontre l’importance de toute la chaîne des actions adéquates à poser afin que les conditionneurs et les recycleurs obtiennent une matière de première qualité.

Guillaume Villemure est habile pour servir des exemples concrets : « Je compare souvent le bac bleu à des raffineries : au lieu d’aller puiser dans les conduites où circule de l’énergie fossile, on puise dans le bac rempli de bouteilles de plastique recyclable no 2. Et chez Soleno, nous en faisons des conduites en polyéthylène de haute densité (PEHD). »

Un vrai promoteur de l’économie circulaire

Soleno est une entreprise familiale québécoise à 100 % dont la vocation première est la maîtrise de l’eau pluviale. Elle fabrique des conduites en plastique recyclé utilisées partout où les normes permettent de le faire. Ses produits sont très recherchés dans plusieurs secteurs d’activité commerciale comme dans la quincaillerie, avec par exemple les drains français que l’on installe autour et à la base des maisons ; dans l’agriculture, pour le drainage des terres agricoles ; dans la foresterie, pour l’accès aux chantiers forestiers grâce à des ponceaux ; et finalement dans les grands travaux d’infrastructure, pour la gestion des eaux de pluie des villes, des routes et des stationnements.

Quand le sujet de l’économie circulaire est abordé, il s’en trouve encore pour afficher du scepticisme, mais c’est loin d’être le cas chez Soleno.

« Une fois que l’on a une résine de qualité, on la transporte à notre usine de Saint-Jean-sur-le-Richelieu pour la transformer en tuyaux. Après coup, ceux-ci pourront être installés directement dans les environs, que ce soit dans une production maraîchère, dans un champ pour le drainage, ou encore pour une entrée de maison. À mon sens, il ne peut y avoir de plus bel exemple de recyclage et d’économie circulaire », affirme Guillaume Villemure.

Une question de tri

Aujourd’hui, pour s’adapter à l’évolution des besoins du marché, les centres de tri doivent investir constamment dans des équipements technologiques afin d’optimiser le tri des matières.

« À l’époque, le tri du plastique no 2 était fait à la main, mais aujourd’hui, les séparateurs optiques permettent une plus grande efficacité. Une fois que ce séparateur est installé, on ajoute sur la ligne un ou deux trieurs (à la main) qui effectuent le contrôle de la qualité et s’assurent qu’aucune impureté comme du papier, du carton, du métal ou de l’aluminium n’est mélangée au plastique, afin que nous ne récoltions en fin de compte que du plastique no 2, explique Guillaume Villemure. Ainsi, quand nous recevons cette matière à notre usine de recyclage, elle a déjà été bien triée. Alors nous bénéficions d’une matière de qualité suffisante pour que nous puissions faire un contrôle de qualité en vue de la fabrication de nos conduites. »

Soleno réussit actuellement à s’approvisionner auprès de fournisseurs offrant des matières de façon constante, dans des quantités suffisantes et d’une qualité qui répond à ses besoins.

Difficile de trouver une entreprise (et des employés) plus convaincue de la nécessité d’adhérer à un circuit d’économie circulaire. Et Guillaume Villemure en est un promoteur passionné. « Au lieu d’aller nous approvisionner dans les raffineries du golfe du Mexique, nous nous ravitaillons dans un centre de tri comme celui de Matrec à Saint-Hubert. Ainsi, notre résine parcourra quelques centaines de kilomètres au lieu de 3 000 km. De plus, cette résine a déjà eu une première vie, que ce soit en bouteilles de savon ou en contenants de lave-glace (ceux-ci ayant déjà une durée de vie à la maison d’environ trois mois). Quand nous fabriquons nos conduites à partir de cette matière, celles-ci auront une durée de vie d’environ cent ans. »

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