En début d’année, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a évité à l’entreprise Northvolt le processus du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour son projet, par crainte de le voir s’implanter ailleurs. Cet aveu, qui est lourd de sens, met en lumière un enjeu vécu à divers degrés par des dizaines d’entreprises membres du Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ) : celui de la lourdeur de la procédure d’autorisation environnementale.
Les longs délais d’attente pour obtenir une autorisation environnementale freinent les entreprises qui souhaitent bâtir une économie plus verte et plus prospère. Pourtant, le processus d’autorisation fait partie des avantages concurrentiels qui peuvent faire pencher la balance lorsque les investisseurs sont à la recherche d’un secteur pour s’établir. Ceux qui ont un processus d’autorisation efficace, prévisible et minutieux créent un climat d’affaires compétitif et encouragent le développement de projets qui mettent l’acceptabilité sociale au cœur de leur conception.
UN OPTIMISME DÉCONSTRUIT
Devant la lenteur d’analyse des autorisations environnementales, le MELCCFP a entrepris en 2020 de décongestionner le chemin des autorisations. Il a alors cocréé, avec les intervenants du milieu, un régime basé sur le risque environnemental. À l’époque, le CETEQ avait salué l’initiative puisque sur papier, nous avions des raisons de croire que cette nouvelle mouture insufflerait un vent d’optimisme chez nos membres.
On parlait alors d’une meilleure procédure pour l’identification du risque environnemental, d’une diminution des exigences administratives et du regroupement de l’encadrement par activité. On exemptait de la procédure les projets ayant des risques environnementaux négligeables et faibles, ce qui devait permettre d’analyser plus rapidement les autres projets.
Cependant, trois ans plus tard, le sombre constat est que le processus présente des failles importantes qui requièrent des améliorations immédiates. Malgré les récents efforts d’amélioration, il demeure déficient et menace de retarder ou de simplement contrecarrer des projets.
Les entreprises avec lesquelles je parle ne voient pas d’améliorations. Pire encore, certaines constatent même un recul notable. Cette nostalgie de l’ancien système s’explique par le manque de prévisibilité soutenu et l’incapacité d’observer des améliorations dans le temps nécessaire pour traiter les demandes. Par exemple, une fois qu’une demande est déposée, nul ne peut véritablement savoir si elle sera ouverte pour son étude dans deux semaines ou dans six mois. De plus, si le demandeur ne réussit pas à répondre aux demandes d’informations supplémentaires dans un délai souvent excessivement serré, il est renvoyé à la case départ et doit en assumer les frais.
AMÉLIORER LE PROCESSUS : PAR OÙ S’Y PRENDRE ?
Une chose qui est claire, mais qui mérite d’être répétée : améliorer l’évaluation des projets ne signifie pas qu’il faille tourner les coins ronds. Nous devons éviter toute suggestion qui implique d’affaiblir les exigences du processus : celles-ci lui confèrent sa légitimité et renforcent le lien de confiance avec le public. Il est plutôt question de s’assurer que le souci du détail ne cède pas la place à un enchevêtrement de requêtes et à un manque de prévisibilité. Il faut impérativement établir des balises de temps claires pour le traitement des projets et revoir la procédure actuelle, qui ne prévoit aucun remboursement des sommes consenties par les demandeurs dont les projets ne réussissent pas à respecter les courts délais associés aux demandes d’informations complémentaires.
Devant la complexité du processus, l’une des solutions pourrait passer par un accompagnement personnalisé du MELCCFP auprès des demandeurs en amont du dépôt de leurs demandes afin de s’assurer que celles-ci sont complètes. Mathématiquement parlant, on gagnerait en efficacité, car une rencontre d’une heure avec un demandeur éviterait les dépôts ainsi que des analyses multiples par le MELCCFP. Toutefois, il ne faut pas que ce dernier mette en œuvre son accompagnement uniquement pour les projets à fort potentiel économique. Cela se ferait au détriment de plusieurs autres projets qui sont, eux aussi, importants pour bâtir des communautés, pour créer des emplois durables et pour protéger l’environnement.
Faire mieux en coopérant avec les gens sur le terrain, c’est dans l’ADN du CETEQ. C’est pourquoi nous avons annoncé que nous créerons prochainement un chantier dans le cadre duquel les membres de plusieurs secteurs pourront collaborer à cet enjeu transversal. Comme organisation, nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur les avancées réglementaires si, en fin de compte, nos membres n’ont pas les autorisations environnementales pour les mettre en place.
Finalement, le processus d’autorisation environnementale actuel n’est pas propice à la réalisation de projets. Si l’on souhaite véritablement développer l’économie verte québécoise, des changements s’imposent. La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement du Québec a annoncé dans le dernier budget un investissement de 8,5 millions de dollars sur 5 ans. Maintenant que les sommes sont au rendez-vous, il ne manque que le courage politique d’avouer que le nouveau régime est incomplet et que des rectifications sont nécessaires.