Sur le radarUn centre de tri tourné vers la modernisation

Un centre de tri tourné vers la modernisation

Par André Dumouchel

En raison de la volatilité des marchés, de la pandémie et de l’abandon du centre-ville de Montréal, le centre de tri RécupérAction Marronniers inc. (RAMI) a dû se résoudre à cesser ses activités le 23 juin 2020.

Quelques mois plus tard, Enviro Connexions annonçait le rachat de ses actifs pour ensuite réaliser d’importantes conversions et mises à niveau des équipements afin de changer la vocation des installations, dans le but de traiter la matière provenant des ICI (industries, commerces et institutions), principalement le verre, le papier et les métaux.

Des investissements majeurs ont été réalisés, notamment une somme de 1,5 million de dollars pour l’acquisition de trois robots trieurs, un achat rendu possible grâce à une aide financière de RECYC-QUÉBEC.

Pour Jean-Marc Viau, chargé de projet principal chez Enviro Connexions, le centre de tri a pu être sauvé et converti grâce à l’intégration verticale de l’entreprise. « Nos équipes ont collaboré afin d’alimenter le centre de tri en matière à trier. Sinon, pour une entreprise toute seule, ça aurait été très difficile de fonctionner », affirme-t-il.

Selon Anne-Marie Hallé, directrice des affaires publiques à la division Québec d’Enviro Connexions, l’intention était tout d’abord de servir adéquatement ses clients ICI : « Mais dans la mesure où nous recevons désormais plus de matière qu’auparavant, nos investissements ont également été faits dans l’optique d’aller chercher la pleine valeur de toutes les matières reçues, avec la modernisation des systèmes de consigne et de collecte sélective en toile de fond. »

C’est dans ce contexte qu’Enviro Connexions a reçu plusieurs propositions pour finalement arrêter son choix sur celle de Waste Robotics, une entreprise de Trois-Rivières créée en 2016. Cette dernière, des plus innovantes, fait appel à l’intelligence artificielle pour contrôler ses robots, ce qui a grandement séduit Enviro Connexions.

« On est arrivés à une espèce de convergence des technologies, c’est-à-dire que la robotique était déjà très développée, mais que nous sommes maintenant capables de l’utiliser avec l’intelligence artificielle », affirme Michel Laforest, cofondateur et président de Waste Robotics.

L’intelligence artificielle fonctionne principalement par apprentissage. Pour l’appliquer à un centre de tri, il faut former le système à reconnaître le flux précis de matières qui lui sera présenté. « Il n’y a pas de magie là-dedans, juste beaucoup, beaucoup de travail. Nous apprenons à notre machine à reconnaître des objets », explique M. Laforest.

Historiquement, les robots ont surtout été utilisés dans les marchés comme celui de l’automobile et de tout ce qui touche la fabrication, la soudure, la peinture ou ce qui nécessite un mouvement répétitif de grande précision.

Ce qui distingue les robots de Waste Robotics, c’est que parmi une multitude d’articles qui passent devant eux sur un convoyeur, ils reconnaissent des objets, les récupèrent et en disposent. Ces objets varient tant sur le plan de la taille, du poids ou des matières qui les composent.

« Nous avons deux tâches principales, affirme Michel Laforest. La première, c’est la reconnaissance et la programmation robotique, donc le mouvement. Pour cela, nous utilisons une caméra hyperspectrale qui va chercher la chimie des plastiques et qui nous permet de différencier les composants des produits. La deuxième tâche, et c’est là où nous nous distinguons, c’est la captation des objets à l’aide du préhenseur adéquat. »

Sorte de main placée à l’extrémité du robot, qui va tourner sur elle-même pour aller chercher l’objet, le préhenseur peut prendre la forme d’un pic, de pinces ou de ventouses.

« On peut lui faire ramasser ce qu’on veut ; du métal, des pierres, du plastique, du carton, du papier… Nous avons répertorié 90 types d’objets à ce jour », souligne M. Laforest.

Suivant le principe du tri positif, et puisque le nombre de gestes des robots est limité, les objets sont hiérarchisés de façon à ce que le tri génère la meilleure valeur possible.

Selon Jean-Marc Viau, concentrer l’attention des robots sur des objets précis rehausse grandement la valeur des matières.

« Par exemple, l’intelligence artificielle est capable de reconnaître et de trier les canettes qui ont une consigne. En plus, ces robots sont toujours attentifs et une fois qu’on leur a appris quelque chose, ils n’en manquent pas une. »

Pour sa part, Anne-Marie Hallé rappelle que le travail des trieurs est ardu et peu prisé : « Il est difficile de recruter en temps de pénurie de main-d’œuvre. Le travail de trieur est physiquement et intellectuellement exigeant, c’est pourquoi les robots sont une belle solution de rechange dans ce contexte. » Selon elle, assigner les trieurs à des tâches moins lourdes contribue également au bien-être des employés, en plus de favoriser leur rétention.

Le président de Waste Robotics ne croit pas que ses robots soient la solution à tous les maux. Selon lui, ceux-ci peuvent être d’une efficacité redoutable dans plusieurs circonstances et avoir un effet marginal dans d’autres.

Quoi qu’il en soit, la rareté de la main-d’œuvre, la nécessité de préserver la santé et la sécurité du personnel et le besoin d’améliorer la qualité du tri pour en assurer la rentabilité sont autant de raisons qui procurent une sécurité d’emploi aux trois nouveaux robots.

Pour Jean-Marc Viau, l’un des plus grands avantages de l’implantation des robots réside dans la capacité d’adaptation au marché.

« Nous sommes plus performants, mais aussi plus résistants, moins fragiles. Nous sommes capables de recevoir des coups et de faire face aux changements. Notre centre de tri peut maintenant affronter des variations de toutes sortes », déclare-t-il.

Si les avantages de ce projet sont multiples pour Enviro Connexions, ils le sont tout autant pour Waste Robotics et son cofondateur : « Ce qui est aussi intéressant pour nous, c’est que nous obtenons une information très riche pour faire fonctionner les robots. Mais surtout, une collaboration comme celle-là nous apporte beaucoup de crédibilité et de visibilité. C’est une multinationale américaine d’envergure et nous sommes reconnaissants envers les gens de Montréal qui nous ont soutenus dans ce processus. Il faut lever notre chapeau à Jean-François Pelchat et à Jean-Marc Viau, des gens rigoureux qui ont cru en notre technologie et qui nous ont fait confiance. Il ne faut pas oublier que nous sommes des pionniers. C’est pour ça qu’il est important d’avoir de tels partenaires », dit M. Laforest.

Pour conclure, soulignons que la robotisation d’un premier centre de tri conventionnel au Québec n’est pas passée inaperçue aux yeux de l’organisme Écotech, puisque celui-ci a décerné un prix Eurêka ! à Enviro Connexions dans le cadre de son gala annuel récompensant les entreprises les plus innovantes en environnement.

Populaires

Réduction à la source : l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC), un modèle à propager

Une nouvelle avenue pour l’innovation   Miser sur la vente de l’usage des produits plutôt que sur la vente des produits eux-mêmes, voilà une stratégie...

Choisir les bons mots pour plus d’impact : Retour sur une publication qui a (un peu) fait jaser

Le point de départL’idée de rédiger ce qui suit découle d’une simple publication que j’ai faite sur LinkedIn : une photo illustrant des bacs...

Le contrôle environnemental, c’est l’affaire de tous

Si vous suivez l’actualité, vous avez assurément constaté dans les derniers mois que certaines entreprises ont été sanctionnées par le ministère de l’Environnement, de...
Publicitéspot_img
« Article précédent
Article suivant »