Le 26 janvier dernier, RECYC-QUÉBEC a diffusé les résultats du Bilan 2021 de la gestion des matières résiduelles au Québec 1, qui établit la quantité de matières éliminées à 716 kg par habitant cette année-là. Non seulement ces résultats montrent que notre production de déchets par habitant augmente légèrement plus rapidement que notre population, mais ils nous éloignent encore un peu plus des objectifs inscrits dans le plan d’action 2019-2024 2 de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles. Autant dire que pour atteindre l’objectif de 525 kg ou moins de matières éliminées par habitant en 2023, il nous faudra bien plus qu’un bac de compost ! Il nous faut un changement d’échelle de priorités.
Pour Réseau Environnement, il va de soi que les actions entreprises pour réduire la génération de « déchets » au Québec passeront par l’ouverture à de nouvelles approches technologiques nous permettant de mieux traiter les matières résiduelles avant d’éliminer celles qui doivent l’être. Mais ces gestes devraient aussi s’inscrire dans le respect des principes des 3RV-E : réduire à la source, réemployer ce qui peut l’être, recycler ce qui devrait l’être, valoriser ce qui peut nous être utile ailleurs dans la chaîne de production et, en dernier recours, éliminer ce qui se rend au bout de la chaîne de consommation sans répondre à l’une ou l’autre de ces possibilités écologiques.
Le 16 décembre 2020, le ministre Benoit Charette a mandaté le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour qu’il tienne une enquête sur la gestion des résidus ultimes. Dans son mémoire 3 présenté au BAPE, Réseau Environnement recommandait de prioriser les actions et les investissements des gouvernements et des entreprises privées en fonction de la hiérarchie des 3RV-E : « Ainsi, les mesures visant la réduction devraient donc être mises en place en premier et accaparer la plus grande part des efforts des parties prenantes. Viendraient ensuite les mesures permettant le réemploi, puis le recyclage et la valorisation énergétique. »
Un exemple évident d’action à la source concerne le suremballage de nos produits de consommation. Réglementer la mise en marché afin de réduire l’emballage et d’interdire progressivement les produits faits de matière non recyclable et non valorisable représente une politique concrète et en parfaite cohérence avec le premier « R » des principes du 3RV-E. Qui ne s’est jamais senti mal à la vue de fruits et de légumes étroitement recouverts de pellicule de plastique à l’épicerie, ou encore en ouvrant à la maison un colis rempli de carton et de plastique sous toutes leurs formes ?
La même logique s’applique dans plusieurs positions prises par Réseau Environnement, comme notre position 4 sur la présence de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) dans les biosolides destinés à l’épandage agricole. Nous produisons tous des biosolides, et leur « élimination » n’est pas une solution viable. Leur recyclage représente toutefois un excellent modèle d’économie circulaire. La qualité des matières demeure primordiale pour le succès de cette filière : c’est pourquoi nous croyons être en mesure d’exiger des normes de qualité rehaussée pour le recyclage de matières biosolides et, par conséquent, de réduire à la source la présence de PFAS dans ces dernières.
Ici encore, il nous est possible d’agir à la source en visant l’interdiction de l’utilisation des PFAS – conformément à l’échelle de priorisation des 3RV-E – tout en nous assurant que les produits de remplacement ne seront pas aussi néfastes pour la santé humaine et l’environnement. Mais pour concrétiser de tels choix et mettre en œuvre des politiques cohérentes avec les principes des 3RV-E, il faut non seulement de l’audace de la part de nos décideurs publics, mais un véritable changement de culture dans la manière dont nous consommons au quotidien. En réalité, c’est de la cohérence pure et simple.
Les résultats du Bilan 2021 de RECYC-QUÉBEC font écho à un récent rapport 5 de l’organisme néerlandais Circle Economy, qui démontre un recul de la circularité dans le monde. En effet, l’indice de circularité de l’économie mondiale, qui était déjà faible, est passé de 9,1 % en 2018 à seulement 7,2 % en début d’année 2023. Et ce n’est pas tout : le Québec se situe actuellement bien en dessous de cette moyenne mondiale, avec un taux de circularité 6 de seulement 3,5 % ! En comparaison, les Pays-Bas ont un impressionnant indice de circularité de 24,5 % et visent à rendre leur économie pleinement circulaire d’ici 2050.
Concrètement, ces chiffres signifient que pas moins de 96,5 % des ressources consommées au Québec ne sont pas réintégrées dans notre économie et revalorisées. Il ne faut pas non plus oublier les conséquences que cela entraîne sur notre système de gestion des matières résiduelles. Mais comme nous le montrent la hiérarchie des 3RV-E et les principes de l’économie circulaire, un autre modèle est à notre portée. Nous pouvons adopter de meilleures pratiques pour que les résidus ultimes le soient véritablement !
Réseau Environnement recommande d’exiger que toute matière résiduelle acheminée comme « déchet » et non triée au préalable – par exemple, les ordures ménagères, dans le secteur des industries, des commerces et des institutions (ICI), ou encore les résidus de construction, de rénovation et de démolition (CRD) – fasse l’objet d’un tri en bonne et due forme avant d’être éliminée. L’objectif est clair : extraire toute matière valorisable et n’éliminer que les résidus véritablement ultimes. Mais le chemin pour s’y rendre nécessitera un mouvement collectif : pour passer à la vitesse supérieure, Réseau Environnement croit que la concertation de l’ensemble des parties prenantes du secteur de la gestion des matières résiduelles et des milieux utilisateurs est nécessaire.
- RECYC-QUÉBEC. (2023). Bilan 2021 de la gestion des matières résiduelles au Québec. Lien
- RECYC-QUÉBEC. (2019). Politique québécoise de gestion des matières résiduelles : plan d’action 2019-2024. Lien
- Réseau Environnement. (2021). Pour que les résidus ultimes le soient véritablement. Lien
- Réseau Environnement. (2022). Position de Réseau Environnement concernant la présence de SPFA dans les biosolides destinés à l’épandage. Lien
- Circle Economy. (2023). circularity gap report: 2023. Lien
- Circle Economy et RECYC-QUÉBEC. (2021). Rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec. Lien