L’art de l’ISÉ   

Par Grégory Pratte

Dans le merveilleux monde de la GMR, on parle de plus en plus de l’ISÉ. La réglementation des éco-organismes qui administrent les programmes de REP l’impose. C’est d’ailleurs une de leurs responsabilités les plus importantes. Dans ce court paragraphe, j’ai volontairement utilisé trois acronymes. Je sais, c’est souvent à ce moment qu’on a envie de décrocher. Mais restez avec moi : on va s’amuser. Ce petit exercice montre comment, parfois, à force de parler entre initiés, on oublie les autres.

L’ABC de la GMR

Commençons par quelques rappels utiles. La « GMR » signifie gestion des matières résiduelles. C’est l’acronyme facile. Comme lorsqu’on découvre le coupable au début d’un film, on se sent intelligent, et ça nous donne envie de suivre l’histoire.

Le deuxième acronyme, « REP », on le voit partout. Il désigne la responsabilité élargie des producteurs, une approche qui transfère certaines responsabilités aux fabricants, producteurs ou distributeurs de certains produits, comme les appareils réfrigérants, la peinture, les contenants, les emballages et les imprimés. Les programmes de REP sont administrés par des éco-organismes ou des organismes de gestion désignés (OGD). Leurs obligations précises varient selon le type de produit, mais tenons-nous-en aux grandes lignes pour l’instant.

L’« ISÉ » fait référence à trois piliers pour permettre le changement de comportements : Information, Sensibilisation et Éducation. Prenons-les, une lettre à la fois…

I, pour Information

L’information, c’est probablement l’aspect le plus simple. Certains éco-organismes s’en tiennent d’ailleurs principalement à cela : diffuser des messages, répéter des slogans, multiplier les rappels.

J’entends parfois : « On l’a déjà dit, pas besoin de répéter. » Et je pose cette question : « Comment sais-tu que tu as été entendu, écouté et compris ? » Silence. J’attends encore la réponse.

Diffuser un message ne garantit pas qu’il sera entendu. Et ce n’est pas parce qu’on a dit quelque chose qu’on a été compris. On a tous été enfants : nos parents ont répété mille fois la même chose, et parfois, on en a saisi le sens que bien plus tard.

S, pour Sensibilisation

Parlons maintenant de la sensibilisation. Ici, on fait appel au cœur. Cet aspect est trop souvent négligé dans les communications liées à la REP. Il faut susciter une émotion. C’est l’étincelle nécessaire.

Un coach que j’apprécie beaucoup parle d’« E-Motion » (il est anglo), pour exprimer l’idée que c’est l’émotion qui mène à la motion, à l’action. 

É, pour Éducation

Enfin, éduquer, ça prend du temps. Et le ton moralisateur n’a plus sa place.

Ma grande découverte après toutes ces années ? Les gens veulent souvent bien faire. L’un des besoins humains fondamentaux, c’est de se sentir adéquat.

L’éducation permet cela. Elle est essentielle dans la vie d’une personne. C’est un puissant vecteur de développement. Transmettre des connaissances et des savoir-faire, c’est presque une vocation.

L’ISÉ aujourd’hui

Les outils classiques du marketing et de la communication ne suffisent plus quand il est question de changements de comportement. C’est particulièrement vrai en ISÉ. Les vieilles recettes usées, les slogans paresseux, l’humour mal maîtrisé, les campagnes en copier-coller… en tout respect, c’est non.

Dans ma pratique, j’ai élargi ma palette : psychologie, pédagogie, programmation neurolinguistique (PNL). Art scénique, aussi. Parce que oui, les acteurs sont d’excellents maîtres. C’est fou, tout ce que j’ai appris grâce aux acteurs et aux metteurs en scène d’ici.

J’intègre également des techniques de storytelling, de coaching, de vente, et de behaviorisme. Pour moi, réussir une ISÉ, c’est parvenir à établir un lien humain, intellectuel, moral, social et émotionnel avec les citoyens.

Une période décisive

Nous traversons une année charnière. Deux grands chantiers ont été lancés en même temps : la modernisation de la collecte sélective et l’élargissement de la consigne.

C’est un peu comme rénover la cuisine et la salle de bain en même temps. C’est salissant, c’est dérangeant et, certains jours, c’est compliqué.

Sur le terrain, comment ça se passe ? Les deux organismes de gestion désignés mènent leurs projets chacun de leur côté et font de leur mieux. Pendant ce temps, les citoyens veulent aider et contribuer. Mais ils s’y perdent.

Je le constate tous les jours. Plusieurs m’écrivent sur les réseaux sociaux. À la radio, une pub dit que seuls les contenants, emballages et imprimés vont au bac de récupération. Dans la suivante, on mentionne qu’un contenant rapporté à la consigne sera à coup sûr recyclé.

Résultat ? Trop de confusion. Et parfois, par découragement, les gens jettent carrément à la poubelle. C’est triste, mais ce n’est pas surprenant.

Alors, que faire ?

Comment faire mieux ? En écoutant. Oui, je sais, c’est long. Mais c’est essentiel.

La vérité toute crue, sans détour : on n’a pas pris le temps d’écouter les citoyens. Les décisions ont été prises entre spécialistes, à l’intérieur de notre chambre d’écho. On s’est dit : « Voici ce que le règlement exige. Voici ce qu’il faut faire. Les gens suivront. » Mais ça ne fonctionne pas comme ça.

Chaque jour, je vois des éco-organismes redoubler d’efforts pour connecter avec les citoyens. Plusieurs maîtrisent l’art de l’ISÉ. Je tiens d’ailleurs à souligner l’extraordinaire travail de GoRecycle et de la Société de gestion des huiles usagées (SOGHU), notamment.

Des municipalités et des centres de tri poursuivent leurs efforts d’ISÉ, même si cette responsabilité n’est officiellement plus dans leur cour. Ils le font parce qu’ils y croient. Ils veulent contribuer concrètement en aidant les citoyens.

Je le dis souvent, il faut créer des ponts. C’est pour ça que j’aime échanger avec les gens. Ce sont souvent ces conversations qui nourrissent mes chroniques. Merci aux gens qui me font part de leurs réflexions, de leurs frustrations, de leurs bons coups. Vous m’aidez à mieux comprendre, et donc à mieux informer, sensibiliser et éduquer.

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