En préparation depuis quelques années, la modernisation de la collecte sélective dans la Belle Province, pilotée par Éco Entreprises Québec (ÉEQ), est désormais une réalité. Son entrée en vigueur le 1er janvier 2025 s’est en outre accompagnée de la mise en activité d’un nouveau centre de tri à Montréal-Est, le nec plus ultra en la matière au Québec, voire au Canada.
« La modernisation [de la collecte] était incontournable, attendue et nécessaire », affirme la présidente-directrice générale de RECYC-QUÉBEC, Emmanuelle Géhin.
« Je pense qu’on avait accusé plusieurs retards, sur plusieurs plans, ajoute-t-elle. Au cours des ans, on a pu constater les lacunes du système. La modernisation permet de les corriger pour être encore plus performants. »
Rappel : le nouveau système de collecte modernisée est le fruit de la mise en place de la responsabilité élargie des producteurs (REP). En vertu de celle-ci, les entreprises qui mettent en marché des produits emballés, des contenants et des imprimés doivent maintenant veiller à leur gestion en fin de vie.
Et pour permettre aux producteurs de relever cette mission, l’organisme privé à but non lucratif Éco Entreprises Québec a été mandaté par RECYC-QUÉBEC en 2022 pour les représenter. ÉEQ est donc maintenant le maître d’œuvre (et le grand donneur d’ordres) de la collecte sélective. C’est lui qui finance, gère et encadre le système.
« L’entrée en vigueur de la responsabilité élargie des producteurs vient avec la grande priorité, pour Éco Entreprises Québec, d’équiper la province avec un réseau de centres de tri performants », affirme le président du conseil d’administration d’ÉEQ, Denis Brisebois.
« Cela permet de réduire les coûts de tri et assure une meilleure qualité des matières, ajoute-t-il. Ce qui contribue concrètement à la circularité locale des contenants, des emballages et des imprimés et à la création de richesses pour le Québec. »
Avec la nouvelle REP, le rôle des centres de tri a par ailleurs été simplifié. Leur principale mission ? Gérer les activités de tri. Ce faisant, ils ne sont plus propriétaires des matières à recycler et n’ont plus la responsabilité de les vendre. Cela incombe désormais à Éco Entreprises Québec.
En regroupant les matières, ÉEQ a ainsi un meilleur levier de négociation avec les recycleurs.
Dans le cadre de la modernisation du système de collecte sélective, les matières acceptées dans les bacs de récupération sont en outre uniformisées aux quatre coins de la province. En plus des contenants non consignés, des emballages et des imprimés, on peut maintenant y mettre les sacs de croustilles et les pots de yogourt individuels, qui n’étaient pas acceptés auparavant.
« Le message va être plus facile à comprendre par les citoyens », estime Emmanuelle Géhin.
Cette standardisation des matières a néanmoins entraîné un remue-ménage dans les centres de tri. Des ententes ont été conclues au cours des derniers mois par ÉEQ avec les gestionnaires et les propriétaires de ces centres pour ajouter de nouvelles clauses qui assurent l’uniformité de la collecte et du tri des matières recyclables. Le but : améliorer la qualité des activités et des ballots de matières produits.
Pour y arriver, des investissements de quelque 100 millions $ sont d’ailleurs prévus au cours des 5 prochaines années, car les installations de certains centres de tri sont vieillissantes.
Le Québec a « une côte à remonter » pour améliorer la qualité de la matière produite, estime la grande patronne de RECYC-QUÉBEC.
« Je pense que le move d’améliorer notre matière ici pour la revendre ici va être très payant, avec les barrières tarifaires américaines qui s’en viennent, dit Emmanuelle Géhin. L’amélioration de la qualité des matières et la performance des installations sont deux choses importantes dans cette modernisation. »
« Je pense que le move d’améliorer notre matière ici pour la revendre ici va être très payant, avec les barrières tarifaires américaines qui s’en viennent. L’amélioration de la qualité des matières et la performance des installations sont deux choses importantes dans cette modernisation. »
— Emmanuelle Géhin, présidente-directrice générale de RECYC-QUÉBEC
« Quand on lance un nouveau centre comme celui-ci, ça prend habituellement de trois à quatre mois avant d’avoir des ballots à notre goût. Là, pour une startup, ça dépasse déjà nos attentes. »
— Yazan Kano, vice-président stratégie pour l’Est du Canada chez Matrec
Nouveaux standards
À cet effet, le centre de tri de collecte sélective de nouvelle génération mis en activité à Montréal-Est par Matrec-GFL au tournant de 2025, et inauguré en février dernier, est devenu la nouvelle référence en la matière.
« C’est le plus moderne au Québec, et possiblement au Canada avec celui de Toronto, affirme Richard Mimeau, vice-président Affaires publiques et Développement durable chez Matrec, une division de l’entreprise canadienne GFL Environmental. On est vraiment ailleurs ! »
« C’est comme pour les autos, illustre pour sa part le vice-président stratégie pour l’Est du Canada chez Matrec, Yazan Kano. Le dernier modèle qui sort est toujours plus performant et avancé technologiquement. On a utilisé, pour ce centre, les meilleures technologies, à la lumière de notre expertise en gestion. GFL est le plus gros recycleur au Canada. »
Fait à noter : les nouvelles installations, situées sur la rue Sherbrooke-Est, ont été aménagées sur un vaste terrain qui accueille également un centre de tri pour les résidus de construction, de rénovation et de démolition. Celui-ci, en activité depuis l’an dernier, est aussi la propriété de Matrec.
Selon M. Kano, pour quiconque s’intéresse à cet univers, ce complexe environnemental est une véritable « plaque tournante de l’économie circulaire » et a des allures de « Disneyland ». Le travail de récupération et de recyclage ne peut pas y être plus concret, se félicite-t-il.
« L’inauguration du centre de tri de l’Est de l’île de Montréal marque une étape majeure dans la transformation du parc d’infrastructures de tri au Québec et contribue à élever les standards de tri des matières recyclables », déclare la présidente-directrice générale d’Éco Entreprises Québec, Maryse Vermette. À lui seul, le nouveau centre de tri de matières recyclables, appelé à gérer le contenu des bacs bleus de l’Est de l’île de Montréal, a une capacité de traitement annuelle pouvant aller, à terme, jusqu’à 200 000 tonnes, souligne la directrice des opérations régionales, Recyclage, chez Matrec-GFL, Sara-Emmanuelle Dubois.
À titre comparatif, quelque 800 000 tonnes de contenants, d’emballages et d’imprimés devraient être traitées en 2025 à l’échelle de la province.
Construction rapide
Pour la petite histoire, Matrec a obtenu au printemps 2023 le contrat pour la construction et l’exploitation du centre de tri de matières recyclables à Montréal-Est, au terme d’un appel de qualification réalisé par Éco Entreprises Québec.
La nouvelle installation a en fait pris le relais du complexe environnemental de Saint-Michel, devenu désuet. Celui-ci a cessé ses activités à l’automne 2024, au terme du contrat qui liait la Ville de Montréal, propriétaire du centre de tri, à l’exploitant Ricova.
La construction a été lancée à l’automne 2023, sur un terrain qui était déjà la propriété de Matrec, et le chantier a été mené rondement. Comme l’échéancier était relativement serré, « il n’y avait pas de place pour l’erreur », affirme Yazan Kano.
« En 14 mois, on a préparé le terrain, construit la bâtisse et installé les équipements, ajoute Richard Mimeau. Ça a été un travail d’équipe exceptionnel. »
À la blague, M. Mimeau s’amuse à dire qu’il s’agit « d’un défi digne de Numérobis », en faisant référence à l’architecte de la bande dessinée Astérix et Cléopâtre, qui réussit à construire un palais pour César dans les délais qui lui sont impartis. Cela lui vaut d’être couvert d’or plutôt que jeté aux crocodiles. Dans le cas présent, dit M. Mimeau, c’est le chargé de projets majeurs Jean-Philippe Besner qui a relevé le défi.
« Je tiens à souligner la qualité et la rigueur du travail accompli conjointement par les équipes d’Éco Entreprises Québec et de Matrec-GFL, qui ont livré, dans des délais très serrés, un projet structurant pour la région métropolitaine », affirme la PDG d’ÉEQ, Maryse Vermette
Selon Sara-Emmanuelle Dubois, Matrec-GFL a même disposé de quelques semaines en décembre pour préparer le lancement officiel des activités. « On s’était fixé comme objectif d’être prêts à recevoir et à traiter la matière d’ÉEQ à compter du 2 janvier 2025, dit-elle. Mais on a pu commencer à démarrer les activités et à former nos trieurs à partir du 9 décembre. Ça a été un tour de force ! »
Mme Dubois vante d’ailleurs au passage l’efficacité de Machinex pour la réalisation de ce contrat. Le manufacturier québécois a conçu et installé les équipements.
Détail : en parallèle avec la construction et le démarrage du nouveau centre de tri, Matrec a pris en charge, à la fermeture du complexe environnemental de Saint-Michel, le contenu des bacs bleus qui y était acheminé. À partir du 1er octobre 2024 et jusqu’à ce que le nouveau centre soit opérationnel, la matière était ainsi dirigée vers le site de Matrec dans Montréal-Est, puis transbordée et dirigée vers d’autres centres de tri québécois afin de ne pas interrompre le service.
Appelé à évoluer
Selon Yazan Kano, le nouveau centre de Montréal-Est a été conçu pour accueillir de nouveaux équipements, tels des robots-trieurs, et pour s’adapter aux nouvelles technologies au fil du temps.
L’intelligence artificielle, dont sont déjà équipés certains trieurs optiques, est entre autres appelée à prendre de l’ampleur, souligne Sara-Emmanuelle Dubois.
« On est actuellement dans la première phase du centre, mais les phases 2 et 3 ont été réfléchies », relève-t-elle.
Matrec continuera à travailler de façon conjointe avec Éco Entreprises Québec pour le développement futur du centre de tri, ajoute Mme Dubois. « On sait que les marchés vont évoluer, fait-elle valoir. ÉEQ pourrait nous arriver avec des demandes additionnelles. Dans ce contexte-là, on va être prêts à y répondre. »
Comme les producteurs de matières sont maintenant responsables de leur gestion en fin de vie, l’éco-conception pourrait notamment gagner en importance, avance Yazan Kano. « Les matières pourraient changer et ça a des répercussions sur un centre de tri et sur la façon dont il peut les ‘‘digérer’’ », dit-il.
Fort de son expérience à Montréal-Est, Matrec-GFL a par ailleurs obtenu un contrat d’ÉEQ pour remettre à jour le centre de tri de Saint-Hubert, le premier de ce type à avoir ouvert ses portes dans la région montréalaise en 1991.
« La technologie utilisée va être très semblable à celle mise de l’avant au centre de Montréal-Est, souligne M. Kano. Les travaux sont commencés et on espère annoncer l’ouverture pour janvier 2026. »
À la fine pointe de la technologie
Les équipements à la fine pointe de la technologie installés au nouveau centre de tri de matières recyclables de Montréal-Est contribueront à révolutionner les activités de ce type d’installations, estime la directrice des opérations régionales, Recyclage, chez Matrec-GFL, Sara-Emmanuelle Dubois.
« Pour pouvoir traiter autant de tonnes [jusqu’à 200 000 annuellement], on a doublé les lignes de tri et elles sont gérées de façon indépendante, explique Mme Dubois. Cela nous donne de la flexibilité. S’il y a, par exemple, un bris sur une ligne, on peut quand même faire fonctionner l’autre. On n’est donc jamais à risque de tomber en arrêt total. »
Autres caractéristiques de l’endroit : il est doté de 17 trieurs optiques ainsi que de séparateurs à vis sans fin. « Il n’y a pas de centres de tri au Québec qui ont autant de trieurs optiques, souligne Sara-Emmanuelle Dubois. Et on est un des premiers centres au Canada à être équipés de séparateurs à vis sans fin. »
Installés au début des lignes de tri, ces séparateurs permettent d’isoler, entre autres, les matières de grandes dimensions ou encore les encombrants, et de les envoyer directement vers la table de prétri. Un procédé qui tranche avec les méthodes traditionnelles, où « 100 % de la matière est acheminée sur les convoyeurs de prétri », relève la directrice des opérations régionales.
Les employés affectés au tri sont plus efficaces de cette façon, estime-t-elle, car ils voient moins de matières. Les risques de blessures s’en trouvent par le fait même réduits.
« Dans un centre de tri traditionnel, les trieurs au prétri doivent fouiller à travers la matière entremêlée qui passe devant eux sur le convoyeur, explique Mme Dubois. Il y a des risques de coupures et de piqûres. Mais à notre centre, les matières sont bien éparpillées sur les convoyeurs et il n’y a pas de verre, de seringues ou d’objets tranchants. »
Selon elle, l’utilisation des séparateurs à vis sans fin permet ainsi de réduire de moitié le nombre d’employés affectés au prétri, tout en améliorant la productivité du centre, réparti sur une superficie de 125 000 pieds carrés.
Pureté des ballots
De façon générale, la matière est d’abord séparée de façon mécanique en fonction de sa dimension.
« Les premiers séparateurs vont par exemple enlever tout ce qui a une taille de neuf pouces et plus, puis, dans une deuxième phase, tout ce qui est entre cinq et neuf pouces, explique Sara-Emmanuelle Dubois. Chacun des flux de matières séparées va ensuite dans les équipements appropriés. » La spécialiste du recyclage précise que le tri se peaufine ensuite en fonction du caractère bidimensionnel (2D) ou tridimensionnel (3D) des articles. « En faisant ça, on isole beaucoup la portion papier dans le 2D, et les contenants et emballages dans le 3D », dit-elle.
Bref, fait valoir Mme Dubois, plus la matière avance sur les convoyeurs, plus le tri est précis. « On termine avec un tri plus raffiné, relève-t-elle. Est-ce que c’est du carton ou du papier ? Est-ce que c’est du plastique no 1 PET ou du no 2 PET ? Est-ce que c’est un contenant en acier ou en aluminium ? Plus ça va, plus on devient granulaire dans le traitement. C’est comme ça qu’on parvient à faire un bon tri. »
Combiné aux différents équipements mécaniques, l’apport des 17 trieurs optiques du nouveau centre de tri permet en outre d’assurer la « pureté » des ballots produits. Un contrôle de qualité est également assuré par un employé du centre, au bout de la chaîne de production, afin de corriger les erreurs de tri qui peuvent malgré tout survenir en cours de route.
Et à en croire les représentants de Matrec, le nouveau centre de tri n’a pas tardé à livrer ses promesses. « Quand on lance un nouveau centre comme celui-ci, ça prend habituellement de trois à quatre mois avant d’avoir des ballots à notre goût. Là, pour une startup, ça dépasse déjà nos attentes », dit le vice-président stratégie pour l’Est du Canada, Yazan Kano.
Plus la qualité des ballots sera assurée, plus l’intérêt des recycleurs sera grand, estime M. Kano. Même chose avec les débouchés possibles.
« Nous voulons assurer une meilleure qualité de tri et une valorisation optimale des matières récupérées à l’échelle du territoire au bénéfice de la population du Québec », assure la présidente-directrice générale d’Éco Entreprise Québec, Maryse Vermette.
La circularité accrue des matières sera sûrement un avantage pour la province, confirme pour sa part la présidente-directrice générale de RECYC-QUÉBEC, Emmanuelle Géhin.
Essentielles à la formation des ballots, trois presses sont à l’œuvre au nouveau centre. Elles ont l’avantage d’être interreliées, de sorte que si, par exemple, un pépin survient avec la presse à carton, cette matière peut momentanément être transférée vers l’un des deux autres équipements, relève Sara-Emmanuelle Dubois.
« Dans mon expérience personnelle, j’ai vu des centres de tri arrêtés parce qu’une presse était brisée, dit celle qui a roulé sa bosse dans l’industrie. Ici, le risque que ça se produise est très faible. »
Mme Dubois précise en outre que les nouvelles presses produisent des ballots de plus grande densité. Cela réduit l’espace d’entreposage et permet de maximiser les activités de transport.
« Nous voulons assurer une meilleure qualité de tri et une valorisation optimale des matières récupérées à l’échelle du territoire au bénéfice de la population du Québec. »
— Sara-Emmanuelle Dubois, directrice des opérations régionales, Recyclage, chez Matrec-GFL