CETEQPour posséder et diriger un centre de tri de CRD, il faut...

Pour posséder et diriger un centre de tri de CRD, il faut d’abord être quasi milliardaire !

Par Kevin Morin

Cette phrase hyperfigurée illustre bien la situation précaire dans laquelle se trouvent les centres de tri de CRD. Conscient de cette triste réalité, le CETEQ a organisé, le 4 février dernier, son premier colloque sur la gestion des résidus de CRD. Notre objectif était de mettre à l’avant-scène une demande que nous réitérons depuis longtemps auprès du gouvernement du Québec : rendre le recyclage des résidus de CRD plus compétitif que l’élimination.

Bien qu’il existe plusieurs outils disponibles pour atteindre cet objectif et favoriser une économie plus circulaire dans le secteur, l’ensemble de la chaîne de valeur s’entend pour dire qu’à court terme, la mesure la plus structurante est la mise en place d’une redevance supplémentaire pour les résidus de CRD qui sont éliminés et qui ne sont préalablement pas passés par des centres de tri de CRD reconnus par RECYC-QUÉBEC.

L’enjeu

Pour ajouter aux défis avec lesquels le Québec doit composer, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a annoncé dans les derniers mois que, pour retrouver un niveau d’abordabilité similaire à celui de 2004, il faudrait construire 860 000 logements de plus que les 330 000 déjà prévus d’ici 2030. Dans le contexte où plus de 1,6 million de tonnes de résidus de CRD sont acheminées directement à l’élimination annuellement, le CETEQ a vu dans cette projection un enjeu, mais surtout, une occasion favorable.

La méthodologie

Puisqu’il n’existe pas de données spécifiques sur la quantité de matières générées par les chantiers résidentiels, nous avons combiné les données du Bilan 2021 sur la gestion des matières résiduelles de RECYC-QUÉBEC aux données de recyclage disponibles auprès de nos membres afin de les pondérer par la valeur des permis résidentiels disponible sur Statistique Canada. En pondérant ces résultats, nous arrivons à la conclusion que, selon la tendance d’élimination actuelle, si les 1,2 million de logements sont construits d’ici 2030, sur les 12 millions de tonnes de résidus générées, plus de 8 millions de tonnes de CRD provenant uniquement des chantiers résidentiels prendront le chemin de l’élimination.

Une occasion à saisir

L’approche du CETEQ a toujours été de voir, derrière chaque enjeu, une possibilité d’avancer. Ce dossier n’échappe pas à cette logique. Pour rendre le recyclage des résidus de CRD plus compétitif que l’élimination, il faut jouer sur deux variables : le prix et la quantité. Puisque les différents paliers de gouvernement et les villes ont annoncé plusieurs engagements en matière de construction de logements, nous avons organisé notre premier colloque CRD sous la prémisse que la quantité de résidus de CRD disponibles augmentera, mais surtout avec l’objectif de régler l’enjeu du prix.

Dans une optique de cohérence, nous avons réitéré, lors d’une séance de travail avec les représentants du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), la position historique du CETEQ de mettre en place la redevance supplémentaire mentionnée au début de la chronique. Donc, au lieu d’avoir des coûts de recyclage d’environ 150 $/tonne et une élimination d’environ 100 $/tonne, la redevance pourrait résulter à rendre les deux options à un prix similaire d’environ 150 $/tonne. Bien que ce soit un pas dans la bonne direction, avoir les deux options au même montant n’est pas suffisant pour motiver les centres de tri qui ne sont pas rentables présentement à investir des millions de dollars afin d’en construire un nouveau ou de moderniser celui qui est existant. 

C’est pourquoi le CETEQ et ses membres plaident pour que l’argent de la redevance, qui doit de toute façon retourner dans le secteur dans lequel elle a été prélevée, finance un programme de compensation visant à réduire les coûts de traitement des centres de tri afin d’avoir une compétitivité accrue entre les deux options, qui pourraient se rapprocher du 100 $/tonne pour le recyclage et du 150 $/tonne pour l’élimination.

Nous avons documenté les retombées positives qu’aurait la mise en place de cette redevance supplémentaire sur la chaîne de valeur du CRD. Sur un horizon de cinq ans suivant son entrée en vigueur, le Québec compterait au moins six nouveaux centres de tri et dix centres de tri modernisés ou une augmentation de leur capacité de traitement actuel. Les investissements, qui sont majoritairement privés, seraient de l’ordre de 190 millions de dollars et à terme, c’est plus de 1,4 million de tonnes supplémentaires de résidus de CRD qui seraient détournées de l’élimination, soit plus de 85 % des résidus de CRD qui y sont directement acheminés.

Devant autant d’évidence, la question qui demeure est : qu’est-ce que nous attendons ? La réponse est entre les mains du MELCCFP et nous faisons tout en notre pouvoir pour concrétiser cet engagement.

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