Dans le milieu de l’environnement, on entend de plus en plus parler des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, ou PFAS de leur nom anglais. Comme avec tout enjeu émergent, l’information à leur sujet est souvent fragmentaire.
Je vous propose donc un diagnostic de la situation actuelle pour y voir un peu plus clair à travers cet enjeu qui sera présent pour les années à venir.
QUE SONT LES PFAS ?
Les PFAS sont une famille de 4 700 composés chimiques qui se retrouvent dans divers produits et procédés et qui sont connus pour leur capacité à repousser l’eau et les huiles. Ils sont présents dans plusieurs produits du quotidien, par exemple dans les imperméables, les produits antitaches, le maquillage, les tapis, les plastiques électroniques et bien d’autres.
On a toutefois raison de s’en inquiéter et de suivre leur entrée dans nos produits de consommation. Effectivement, ces substances ne se dégradent pas facilement et elles sont bioaccumulables, ce qui peut les rendre nocives pour la santé humaine et les écosystèmes lorsqu’elles atteignent une certaine concentration. Bien que la science et les connaissances à leur sujet demeurent incomplètes, des études lient bel et bien des effets néfastes pour la santé aux PFAS.
Alors, où en sommes-nous dans la gestion de ces contaminants ?
L’ENCADREMENT ACTUEL
Le travail pour gérer l’arrivée des PFAS est bien amorcé. Déjà, le gouvernement du Canada a interdit la fabrication, l’utilisation, la vente et l’importation d’une poignée de PFAS. En effet, cette interdiction ne vise pas le reste des composés faisant partie de cette grande famille de substances chimiques. Dans ce contexte, Ottawa travaille à établir une base de connaissances commune sur cet enjeu émergent avec des études scientifiques et un cadre de gestion des risques, un travail crucial pour s’assurer qu’on parle tous le même langage.
Au sud de la frontière, nos voisins américains se penchent eux aussi activement sur la question. Notamment, l’Agence de protection de l’environnement (U.S. EPA) travaille sur une norme pour la concentration de six composés de la famille des PFAS dans l’eau potable.
Chez nous, au Québec, il y a deux sphères d’activités qui connaîtront vraisemblablement des changements sur la façon dont ces contaminants sont gérés : la gestion des résidus ultimes et les matières résiduelles fertilisantes (MRF).
GÉRER NOS RÉSIDUS ULTIMES DE MANIÈRE SÉCURITAIRE
Les produits de consommation que l’on utilise comportent toujours des PFAS. En fin de vie utile, ces articles peuvent se rendre dans les lieux d’enfouissement technique (LET) de la province et dans ses eaux de lixiviation. En effet, les LET ne génèrent pas les PFAS qui pourraient se retrouver dans leurs installations; ils les gèrent.
Certes, des études rappellent que les concentrations de PFAS dans les LET sont maintes fois inférieures à celles qui pourraient provenir de l’exposition directe à ces composés, comme dans les contenants alimentaires, les produits de maquillage ou les tapis. De plus, il n’existe aucune norme qui encadre l’élimination, le traitement ou le suivi des PFAS dans les lieux d’enfouissement technique à l’heure actuelle.
Cela dit, face à cette problématique émergente, les LET membres du Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ) s’activent pour identifier des pistes de solutions. Nous travaillons de manière proactive avec le gouvernement du Québec pour bien documenter la situation et pour que les exploitants poursuivent leur gestion sécuritaire de la matière en attente de la publication d’un règlement provincial sur la question.
LA QUESTION DES MATIÈRES RÉSIDUELLES FERTILISANTES
Les MRF ont également fait l’objet de manchettes sur la présence de PFAS dans les pratiques comme l’épandage agricole de biosolides. À ce titre, le gouvernement du Québec avait imposé, en mars 2023, un moratoire sur l’importation de biosolides provenant des États-Unis, où la situation semblait préoccupante.
Le rôle de l’épandage agricole des MRF n’est cependant pas à négliger. Au Québec, on compte plus de 2 000 activités de valorisation par épandage de MRF. Il s’agit d’une pratique largement reconnue pour son rôle clé dans la gestion durable des ressources et dans l’évitement de gaz à effet de serre (GES), puisqu’elle prévient l’incinération ou l’enfouissement.
L’été dernier, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a proposé un nouveau code de gestion des MRF, qui viendra encadrer les activités permises selon la concentration de PFAS.
Le CETEQ a salué la création de cette approche réglementaire, qui découle d’un effort concerté du milieu associatif. Nous avons également recommandé quelques changements aux orientations proposées, comme une meilleure coordination entre les mesures proposées et la réalité des gestionnaires de MRF qui ont à cœur la protection de l’environnement. D’ailleurs, l’impact des changements sur des filières connexes, comme la production de gaz naturel renouvelable, doit être mieux étudié par le gouvernement.
Que ce soit pour les résidus ultimes, les MRF ou toute autre sphère d’activité, nous suivrons attentivement ce dossier pour nous assurer que nos entreprises continuent de réaliser leur mission d’assainir et de protéger l’environnement pour les générations futures.
En ce sens, je continuerai de compter sur le rôle essentiel des tribunes comme 3Rve, qui célèbre avec ce numéro son 20e anniversaire. À toute l’équipe, félicitations pour ce jalon important du magazine, qui se distingue par la qualité du contenu diffusé pour les professionnels en environnement. Que les 20 prochaines années vous amènent encore plus de succès dans la mission essentielle d’informer sur les enjeux qui nous touchent et de faire bouger les choses !