La « petite révolution » lancée par Éco Entreprises Québec est sur le point de se concrétiser. Tout est en place pour permettre le déploiement du système modernisé de la collecte sélective le 1er janvier prochain, selon la présidente-directrice générale de l’organisme, Maryse Vermette.
« C’est un projet qui est important pour le Québec, parce que c’est un gros changement dans toute la gestion de l’écosystème de la collecte sélective », rappelle Mme Vermette.
Cela se traduira entre autres par de nouveaux rôles pour les centres de tri et les municipalités. Les matières acceptées dans les bacs de récupération seront en outre uniformisées aux quatre coins de la province. L’équipe d’ÉEQ y travaille à titre d’organisme de gestion désigné depuis 2022, en vertu de la responsabilité élargie des producteurs.
Les producteurs qui mettent en marché des produits emballés, des contenants et des imprimés deviendront ainsi pleinement responsables du système au tournant de l’année 2025. Et Éco Entreprises Québec, qui représente ces entreprises, agira à titre de grand maître d’œuvre de la collecte sélective pour tout le Québec. L’organisme aura la responsabilité de gérer et d’encadrer cette collecte, note Mme Vermette.
« Nous prenons le relais des municipalités et assumons pleinement cette responsabilité désormais, ce qui ne nous empêche pas de travailler dans un plein esprit de partenariat avec elles », ajoute la PDG d’ÉEQ.
De 1 100 à 135 organismes municipaux
Dans cette optique, les organismes municipaux ont été invités à se regrouper afin de faciliter et d’optimiser la mise en place du système modernisé. « La bonne nouvelle, c’est qu’on y est arrivés », se réjouit Maryse Vermette.
Quelque 135 organismes municipaux, représentant 99,99 % de la population québécoise, veilleront ainsi à assurer la poursuite des services de collecte et de transport des matières recyclables. Elles continueront à gérer le suivi des activités quotidiennes. En contrepartie, ÉEQ assumera les coûts de collecte et de transport. Une compensation sera également offerte aux organismes municipaux, notamment pour les frais de gestion admissibles.
Maryse Vermette souligne que la forme de ces organismes est variable. Éco Entreprises Québec a fait preuve d’ouverture et n’a imposé aucun modèle aux municipalités.
Résultat : des ententes ont par exemple été conclues avec certaines villes, comme Québec et Montréal, avec des municipalités régionales de comté (MRC) et même avec des groupes de municipalités. Dans ces derniers cas, une des municipalités du groupe a été désignée à titre de responsable pour veiller à la gestion de l’entente.
« Ça, c’est une révolution en soi, se réjouit la gestionnaire de l’organisme de gestion désigné. On passe de 1 100 municipalités au Québec à 135 organismes municipaux qui vont gérer le service de première ligne. »
Un Message clair
Selon Maryse Vermette, la standardisation des matières acceptées dans les bacs de collecte sélective (qui seront bleus à travers le Québec) simplifiera par ailleurs la vie des citoyens. À cet effet, un message uniformisé sera transmis par le biais de la campagne de sensibilisation Bac Impact, déjà déployée.
« Les campagnes avec différents porte-parole dans les municipalités, c’est terminé, précise-t-elle. Ça va être le même message partout au Québec. » Et ce message est plutôt simple. Seuls les contenants, les emballages et les imprimés peuvent être déposés dans les bacs. « Il faut arrêter de penser qu’on peut y mettre des casseroles et n’importe quoi », dit Mme Vermette.
Dans la foulée, cette standardisation des matières aura un impact sur les centres de tri. Des négociations ont été réalisées avec les gestionnaires, voire les propriétaires de ces centres, pour ajouter de nouvelles clauses qui assureront l’uniformité de la collecte et du tri des matières recyclables ainsi que le rehaussement de la qualité des activités.
Investissements à prévoir
Comme les infrastructures de certains centres de tri sont vieillissantes, des investissements sont à prévoir, souligne Maryse Vermette.
« Ça va être des coûts très importants pour les producteurs, qui sont nos membres, dit-elle. Il va y avoir des investissements de près de 100 millions $ de dollars au cours des 5 prochaines années. C’est énorme ! Mais nos centres de tri doivent être à jour et posséder des équipements technologiques de haut niveau pour bien trier la matière. »
La qualité des ballots doit notamment être améliorée. Et il y a du travail à faire en cette matière, car aucune cible n’avait été fixée auparavant.
Pour l’heure, la PDG d’Éco Entreprises Québec affirme que les ententes avec une vingtaine de centres de tri actuels sont pratiquement conclues. Il est d’emblée convenu que de nouveaux centres seront appelés à ouvrir leurs portes, tandis que certains déjà existants cesseront leurs activités, dit-elle.
Mme Vermette souligne au passage la mise en activité en janvier 2025 du nouveau centre de tri de Montréal-Est, propriété de GFL Environmental. « Un des plus avancés en Amérique du Nord », se réjouit-elle.
Comme dans le cadre des ententes conclues avec les municipalités, ÉEQ dit avoir respecté les différents modèles d’affaires des centres de tri québécois. Certains sont entre autres exploités par des entreprises privées, d’autres par des coopératives ou des organismes à but non lucratif.
« On n’a pas de règle sur le type de gestion ou de propriété, fait valoir la grande patronne d’ÉEQ. On fait affaire avec ceux qui embarquent avec nous dans la modernisation. On a signé nos premiers contrats au début de l’été. Et on devrait être en mesure de signer les derniers au début du mois de novembre. »
La force du nombre
Ces ententes prévoient notamment qu’en vertu de la REP, les centres de tri ne seront plus propriétaires des matières à recycler : ÉEQ, qui représente les producteurs, le sera.
« Avec la REP, les centres de tri deviennent des opérateurs de tri, explique Maryse Vermette. Ils n’auront plus la responsabilité de vendre la matière. Ça aussi, c’est une révolution. Imaginez, il y avait 23 vendeurs de matières au Québec. Là, il va y en avoir un : Éco Entreprises Québec. En regroupant les matières, l’organisme va avoir une meilleure force de négociation avec les recycleurs. Ça va aussi permettre d’assurer un gisement pour les acheteurs, lance-t-elle. »
Là encore, des négociations ont été menées avec les recycleurs au cours des derniers mois afin de conclure des ententes, relève la gestionnaire. Les premiers contrats devraient être signés prochainement avec de grandes entreprises québécoises.
« Notre priorité est d’assurer la circularité au Québec et dans les marchés limitrophes, fait valoir Mme Vermette. Le gouvernement nous demande d’éviter les exportations dans les pays éloignés. Il faut donc développer les débouchés au Québec. Et on voit de nouvelles entreprises, de nouveaux recycleurs, des start-ups apparaître. »
La modernisation de la collecte sélective vise en outre à redonner confiance aux citoyens. « On entend beaucoup de légendes urbaines sur le sort réservé aux matières récupérées », déplore la PDG d’ÉEQ.
Cible 2030
Une période de transition est cependant à prévoir, et la cible de 2030 a été fixée pour l’atteinte de certains objectifs. C’est le cas pour celui voulant que les matières n’aient pas à voyager sur de longues distances, dont en Asie ou en Inde, pour être recyclées et transformées en de nouveaux produits. Un certain délai sera également observé pour la mise en place du système modernisé de la collecte sélective dans l’ensemble du Québec, y compris dans les communautés éloignées et chez les Premières Nations et Inuit du Grand Nord.
« Le dialogue est excellent, se félicite Maryse Vermette. Il va y avoir des services et de petits centres de prétri dans la région [du Grand Nord]. La communauté va pouvoir participer pour une première fois à la collecte sélective au Québec. »
Si des délais de construction d’infrastructures sont à prévoir, il est toutefois déjà assuré qu’un village du Québec nordique sera desservi en 2025. Une annonce en ce sens sera bientôt effectuée, assure Mme Vermette.
Un Grand défi
Selon elle, l’un des grands défis de la modernisation de la collecte sélective a été de convaincre toutes les parties prenantes, soit les municipalités, les centres de tri et les producteurs de produits, d’adhérer à la mission confiée à ÉEQ par le gouvernement du Québec.
Les années 2023 et 2024 ont ainsi été d’intenses moments de rencontres et de planification.
De nouvelles ressources, dont une vice-présidente à la commercialisation et à la valorisation, se sont jointes en cours de route à l’équipe d’Éco Entreprises Québec, un organisme privé à but non lucratif. Quelque 120 personnes devraient y travailler à la fin de 2025, alors que les employés étaient près d’une cinquantaine l’an dernier.
« En devenant maître d’œuvre du système, il faut encadrer la gestion des contrats et avoir des gens sur place », soutient Mme Vermette.
À quelques semaines du déploiement du système modernisé et de l’entrée en vigueur de la responsabilité élargie des producteurs, la présidente-directrice générale d’ÉEQ se dit très confiante de sa réussite.
« Il y aura peut-être des défis en cours de route, mais on va les relever avec les partenaires municipaux, les centres de tri et les recycleurs », assure Maryse Vermette.
« Le système entre dans une transformation majeure, et notre ambition est de permettre à la population québécoise de récupérer plus et mieux, d’assurer une seconde vie aux matières recyclables et ainsi de contribuer à l’économie circulaire à l’échelle de tout le Québec. »
— Maryse Vermette, présidente-directrice générale d’Éco Entreprises Québec (ÉEQ)